Retrouvez l'actualité du Tourisme pour les professionnels du secteur tourisme avec l'Echo Touristique : agences de voyages, GDS, prestataires spécialisés, voyagistes

P. Saffache : Les eaux côtières turquoise ne seront bientôt plus qu’un rêve

 » Le parrain de la Journée mondiale 2013 pour un tourisme responsable, docteur en géographie, rappelle que les îles sont des territoires fragiles et que l’activité touristique peut accentuer la dégradation de leur environnement. »

L'Echo touristique : Les îles Vanille étaient le territoire à l'honneur de la journée mondiale pour un tourisme responsable, à Paris, lundi 3 juin. Quelles sont leurs particularités ?

Pascale Saffache : Les îles Vanille -Madagascar, Maurice, La Réunion, Mayotte, Les Comores et Les Seychelles- ont des caractéristiques communes : une biodiversité exceptionnelle – ce sont des "hotspots" -, et un fort endémisme. Elles sont également très sensibles car elles subissent des pressions très fortes, dues à la pluralité des activités économiques qu’elles concentrent et à la pression démographique qu’on y recense.

Quelles sont plus précisément ces pressions ?

L'agriculture, des activités industrielles émergentes (donc peu maîtrisées), une urbanisation galopante et des densités de population parfois très élevées – jusqu'à 650 habitants par km2 -, ce qui a un impact durable sur les écosystèmes. Par exemple, pour vivre ou aménager son espace, l’homme est amené à déboiser son espace, ce qui sous-tend le phénomène d'hypersédimentation. La dégradation des sols et du couvert végétal met la terre à nu et l’énergie cinétique des gouttes de pluie libère les micros agrégats du sol qui se concentrent alors en bas de pente sous l’effet de l’eau de ruissellement, puis s’accumulent dans les rivières et enfin dans la mer.

Les îles sont donc menacées ?

Avec l'hypersédimentation, les fonds marins sont recouverts de vase, les coraux sont asphixiés et se nécrosent et les ressources halieutiques disparaissent alors. La mer qui était bleu, translucide, devient alors marron. Les eaux côtières turquoise ne seront bientôt plus qu’un rêve. Ces images que l'on a des îles feront bientôt partie de l'histoire, si nous ne réagissons pas. Les coraux et les mangroves qui structurent ces espaces ont pourtant une valeur économique très forte, estimée à 16 milliards de dollars au niveau des îles Vanille, ce qui permet l’émergence de deux activités principales, la pêche et le tourisme. 

Quel est l'impact du tourisme sur l'environnement de ces îles ?

Sur les îles Vanille, le tourisme n'est pas le facteur principal de dégradation de l'environnement, mais il y contribue et l'amplifie. L'activité touristique a des impacts directs. On peut évoquer l'implantation des hôtels en bordure de mer, les pieds dans l'eau, ce qui empêche les transferts sédimentaires entre les hauts et bas de plages, et contribue à l'érosion des ces dernières. Sur l'île Maurice, par exemple, 95 hôtels et résidences occupent 30% du littoral. Grande Baie est symptomatique de ce phénomène.

Il y a aussi les rejets d'eaux usées dans les lagons par les hôtels. Enfin, on peut aussi citer les prélèvements qu’effectuent les touristes lors de leurs plongées : coraux, gorgones, éponges ; autant d’atteintes au milieu. A terme, cela a un véritable impact sur la biodiversité, mais aussi sur l'aspect esthétique des fonds marins.

Faut-il des lois plus strictes pour éviter ces dérives ?

Il existe des lois qui interdisent cela, mais comme ailleurs elles ne sont pas toujours respectées. L'application stricte de ces lois aurait des incidences sur le climat social de nombre de ces îles…

Pourtant, on explique que le tourisme peut participer à la préservation de l'environnement ?

Il y a une évolution dans les mentalités, y compris chez les hôteliers. Mais entre la prise de conscience à l'action, il y a un fossé. On ne pourra pas avoir de tourisme réellement durable si les populations ne sont pas parties prenantes du développement et si elles ne sont pas intégrées aux processus de décision. Le tourisme peut participer à la préservation de l'environnement, mais il doit replacer l'homme et son environnement au centre.

Au sein du monde dans lequel nous vivons, il n’est plus possible de faire uniquement du profit, il faut désormais penser à l’homme, aux  hommes, et au fait que toutes activités ont pour fonction de nourrir les hommes et de permettre leur développement. Développement qui s’inscrit dans un cadre sain : le maintien d’un environnement de qualité.

 

Laisser votre commentaire (qui sera publié après moderation)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Dans la même rubrique