L’île de Bréhat instaure une jauge pour « mieux accueillir »
« Pardon, pardon », assène d’un ton péremptoire aux piétons qui la gênent, une touriste juchée sur son vélo électrique. Pas de voiture à Bréhat mais beaucoup de visiteurs, au point d’amener le maire à limiter la fréquentation certains jours d’été, suscitant parfois l’inquiétude de commerçants.
« Ne pas accueillir plus, pour accueillir mieux », résume à l’AFP le maire, Olivier Carré. C’est ce qui justifie pour lui son arrêté destiné à éviter les pics de 6 000 vacanciers certains jours.
4 700 passagers par jour sur les bateaux
A 10 mn de la côte, près de Paimpol, ce confetti de granit rose de 3km2 où vivent à l’année « 422 habitants », compte « 75% de résidences secondaires » et a reçu en 2022 « 450 000 » visiteurs.
Pour la première fois cette année, du 14 juillet au 25 août, l’accès à Bréhat sera limité à 4 700 passagers sur les bateaux de 8h30 à 14h30, du lundi au vendredi.
Avec les diverses exceptions, le chiffre pourra monter jusqu’à « 5 340/jour », a rappelé Olivier Carré lors d’une réunion publique le 23 juin devant une vingtaine d’îliens.
Infrastructures « saturées »
Tous semblent a priori partager le constat du maire : « les infrastructures sont saturées », à commencer par les sanitaires. Et par endroit, « l’environnement est de plus en plus dégradé », comme sur certains chemins où la lande disparaît sous l’effet des piétinements.
Même des commerçants s’avouent parfois débordés. « On fait 60/70 couverts si on veut faire de la qualité. Quand il y a trop de monde, ce n’est plus possible », reconnaît Arnaud Guiné, employé dans une crêperie.
Selon une enquête de la mairie auprès des habitants fin 2022, « 84% estimaient qu’il fallait réglementer », observe M. Carré. Par ailleurs, « entre le 1er et le 15 août dernier, le taux d’insatisfaction parmi les touristes montait à près de 30%, ce qui n’est pas bon pour l’activité », poursuit l’élu.
Problème de marges
Les choses se sont précipitées en début d’année : avec l’acquisition de nouveaux bateaux, les compagnies de navigation allaient pouvoir transporter davantage de passagers. « En plus, le phénomène des plateformes de location par internet fait que les résidences secondaires sont occupées tout le temps maintenant. Les jours de pic, on arrive à 10 000 personnes sur l’île, soit la population à l’année multipliée par 25 », s’exclame le maire.
« Tu prêches un convaincu. Mais cet arrêté, c’est trop rapide », interpelle Stéphane André. Ce restaurateur en saison, 42 ans, a repris aussi la seule boulangerie ouverte à l’année. « Si tu me régules, là, je n’ai plus la marge pour payer mes quatre salariés à l’année et faire tourner la boulangerie! », ajoute-t-il. Lui qui plaidait pour des études complémentaires.
« L’impact sera très faible », tente de rassurer le maire, en se basant sur une étude économique.
Changer les comportements
« On cherche à élargir la fréquentation sur l’année », renchérit Léonie Ollivier, 25 ans, chargée de mission tourisme durable à la mairie.
Avec l’aide de la région, « l’idée, c’est de réduire un peu notre météo-dépendance et de changer les comportements des visiteurs. Les sensibiliser aux problèmes environnementaux de l’île, les orienter vers des lieux un peu moins fréquentés ». Ainsi, 60% des excursionnistes se rendent au phare du Paon, à l’extrême-nord de l’île, abimé par cette surfréquentation.
L’objectif est aussi d’amener les estivants à réserver leur passage pour mieux anticiper les flux.
Pour Toscane de Rouvroy, gérante de l’hôtel-bar-restaurant Bellevue, face au débarcadère, « oui, il faut préserver l’île. Mais on sera impactés en terme de chiffre d’affaires. Notre activité est rythmée par les bateaux ».
Quant au maire, il s’y est engagé : « On fera un bilan en fin de saison et on jugera si on conserve l’arrêté ou si on l’amende à la hausse ou à la baisse ».
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