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Les TO jouent les équilibristes

En exigeant des voyagistes la répercussion de la baisse du dollar sur leur prix, Afat Voyages pose la question de la transparence tarifaire des voyages. Sans être toutefois réellement capable d’y répondre lui-même…

Bonjour, nous souhaitons réserver un circuit pour les USA. Et nous aimerions bénéficier de la baisse du dollar, comme vous l’indiquez sur l’affiche à l’entrée de l’agence. Flottement et hésitations de la conseillère voyages, puis discussion pointue avec les deux autres vendeuses présentes dans l’agence Afat Voyages. Finalement, l’une d’elle explique le sujet. Afat Voyages s’engage à faire bénéficier le client de la baisse de la devise par rapport à l’euro sur le prix brochure de nombreux tour-opérateurs. Dans cette agence parisienne, où nous sommes venus tester l’application de cette offre, Marina* nous oriente vers un autotour de 16 nuits chez Vacances Fabuleuses pour la deuxième quinzaine d’août. Après avoir interrogé par téléphone le tour-opérateur, haut-parleur à l’appui, le prix sera de 2 724 E TTC par personne (vols compris). Et la baisse du dollar ? La voix de l’agent de réservation à l’autre bout du fil nous explique que : Tant que les 6 % ne sont pas atteints, nous ne révisons pas les prix. A quoi correspondent ces 6 % ? L’agent de voyages n’est pas en mesure de l’expliquer. Deuxième tentative avec un circuit à peu près similaire chez Jetset dont le prix brochure atteint 2 515 ETTC/ personne. Mais là non plus, la baisse du dollar n’est pas quantifiable, car les hôtels cités en brochure ne sont plus disponibles. Le TO fera donc un devis sur des établissements programmés dans sa base informatique. N’ayant pas le prix de référence, il sera impossible de savoir si la réduction est bien appliquée.

Comment atteindre les 6 % ?

Malgré sa gentillesse et son sens commercial, Marina n’est pas au point sur la question de la baisse du dollar, comme la plupart des agents de voyages, tous réseaux confondus. Renseignements pris auprès de Vacances Fabuleuses, les 6 % évoqués correspondent bien à quelque chose. Nous révisons le prix de nos forfaits sur les Etats-Unis, à la demande du client, lorsque la variation du dollar impacte d’au moins 6 % le prix total du forfait, vols inclus. Or, comme les vols sont achetés en euros, plus les vols sont chers, et c’est le cas avec les hausses carburant, moins la baisse du dollar a d’impact sur le prix total du forfait. Certes nous sommes actuellement assez près de cette clause et devrons l’appliquer si on nous la demande. Lorsque le client n’achète que des prestations terrestres, ces 6 % sont plus rapidement atteints. C’est d’ailleurs pourquoi, sur les Etats-Unis, nous avons fixé la variation à 6 %, alors que sur les autres destinations, nous nous contentons de 3 %. Tout cela est écrit dans nos conditions générales de ventes (CGV), explique Eros Donadello, directeur financier de groupe Kuoni. En rédigeant ses CGV, le voyagiste a donc prévu une parade à la baisse du dollar. Certes, un esprit pointilleux pourrait envisager de réserver les vols séparément et de n’acheter que le terrestre chez le TO, afin d’atteindre plus facilement le seuil des 6 %. Mais faut-il en arriver là ? Dans ce cas, il y a le risque de ne plus avoir les vols quand on a l’hôtel, ou l’inverse. Et quand on réserve en agence, il faut accepter d’en payer le coût, répond Eros Donadello. D’autant que les frais de l’agence que nous avons citée atteignaient 90 E !

Si elle est un excellent coup marketing pour surfer sur la baisse du pouvoir d’achat, la campagne de communication d’Afat Voyages paraît donc assez difficile à mettre en pratique de façon systématique. Il faudrait en effet que les agents de voyages soient très bien formés sur les CGV des TO. De plus, ces modifications de prix ne peuvent pas être indiquées au moment du devis, mais seulement à 40 jours du départ. Le dollar ne cesse de varier. Nous devons donc fixer une date de prise en compte du cours du dollar, ajoute Eros Donadello. Il faudrait donc reprendre tous les dossiers à 40 jours du départ et appeler les TO.

Un vrai manque de transparence

Tourinter, qui commercialise par exemple l’océan Indien, une zone dollar, est encore plus drastique dans ses conditions. Nos conditions de ventes sont très claires. Il y a un impact à la hausse ou à la baisse en raison de l’évolution du taux de change quand plus 80 % de la valeur totale du forfait est impactée, sachant que l’aérien (acheté en euros) représente environ 45 % de cette part. Pour nous, la question de répercuter la baisse du dollar ne se pose donc pas, affirme Véronique Berthier, directrice de la production et marketing.

D’autres voyagistes, tels que Jetset, rendent la tâche encore plus difficile aux agences de voyages. Dans ses CGV, le TO indique que ses prix sont indicatifs. Le client et l’agence n’ayant pas accès aux bases du TO, il leur est difficile de savoir si le prix annoncé intè-gre ou non la baisse du dollar. La transparence des prix n’est guère accessible pour le consommateur final, reconnaît Antoine Cachin, directeur général de Fram. En ce sens, l’effort d’Afat Voyages pour faire respecter le code du tourisme paraît justifié. En effet, la réglementation française, qui découle de la directive européenne sur les voyages à forfait, stipule que les prix sont révisables en fonction de l’évolution des taux de change, du coût du transport et des redevances et taxes. Selon Jean-Pierre Mas, président d’Afat Voyages, si les TO se réfèrent à cet article pour réviser leurs prix à la hausse avec des surcharges carburant, ils doivent aussi accepter de revoir leurs prix à la baisse pour tenir compte des taux de change. Toutefois, la transparence des prix ne semble pas aller dans le sens de l’Histoire. Nous faisons du yield, calculons nos prix au mieux en fonction des remplissages, des différentes variables et de notre marge. Le prix brochure ne veut rien dire. Il faut annualiser la réflexion. Pour un prix brochure, combien de promotions !, témoigne Philippe Sangouard, directeur commercial de Look Voyages.

L’initiative du réseau n’aura peut-être pas un grand impact sur les prix des voyages, mais a au moins le mérite de pointer certaines contradictions dans le calcul des prix et la communication qui en est faite. Eros Donadello y voit un autre avantage : Au moins, leurs agents de voyages seront très pointus sur les conditions générales de vente des TO !, conclut-il.

* Le prénom de l’agent de voyage a été modifié dans le cadre de cette enquête.

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