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Le secteur aérien dérape sur la neige

Les perturbations du mois de décembre liées aux intempéries ont relancé les questions sur la responsabilité des professionnels. Les compagnies aériennes et Aéroports de Paris s’accusent réciproquement d’avoir mal géré la crise, avec le gouvernement comme arbitre.

Les images de centaines de passagers installés sur des lits de camp dans l’aéroport de Roissy pendant la nuit de Noël ont fait la une des journaux télévisés : plus de 2 000 personnes, le 23 décembre, puis 300, le 24, pour près de 700 vols annulés. À Heathrow, mais aussi à Moscou ou New-York, des aéroports ont dû fermer à cause de la neige. En Europe, 12 000 vols avaient déjà été annulés le 22 décembre. Les problèmes évoqués lors de l’éruption du volcan islandais, le caractère de force majeure, l’obligation d’assistance ou les remboursements ont ressurgi aussitôt. En France, les compagnies aériennes et Aéroports de Paris (ADP) sont particulièrement mis en cause. Premier à attaquer, Pierre-Henri Gourgeon, directeur général exécutif d’Air France-KLM, a estimé le lendemain des premiers blocages que les difficultés rencontrées par ADP pour s’approvisionner en glycol, liquide utilisé pour le dégivrage des avions, étaient « peu admissibles ». Une sortie suivie de l’intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui annonçait alors une mission d’enquête pour déterminer si la pénurie de glycol était bien la cause des retards de dégivrages des avions. Mais la ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement visait aussi les transporteurs, proposant de créer une sorte de liste noire, basée sur des critères d’accueil. « Une fois qu’un avion est annulé, la responsabilité incombe à la compagnie aérienne, qui doit informer le voyageur, l’assister, lui trouver une solution d’acheminement de rechange et éventuellement un hébergement. Cette responsabilité n’est pas assumée de manière homogène par toutes, en particulier par les low cost », s’emportait-elle sur France Inter.

LE GLYCOL EN QUESTION

Face à la pagaille qui régnait dans les aéroports, ADP s’est retrouvé naturellement au coeur de la polémique. Pour Pierre-Henri Gourgeon les difficultés ont commencé le 23 décembre dans l’après-midi, avec une baisse des opérations de dégivrage, de 30 à 10 à l’heure. « Nous n’en avons pas été informés. Donc les avions ont continué à faire la queue. Finalement, ils ont dû faire demi-tour et nous avons dû débarquer des milliers de passagers », a-t-il annoncé à la presse. Vendredi 24, la Direction générale de l’aviation civile demandait l’annulation de 50 % des vols la matinée, prévenu d’un risque de pénurie de glycol, puis de 35 % l’après-midi. Devant les guichets, les clients mécontents s’agglutinaient, avec une file d’attente de près de 200 mètres chez Air France. En fin d’après-midi, près de 100 000 passagers étaient bloqués dans les halls. ADP s’est défendu d’un quelconque manque de dégivrant, dont il avait augmenté le stock de 50 % dans le cadre de son plan neige, tout en reconnaissant des difficultés d’approvisionnement. Si la réponse à la question du glycol devra attendre la publication du rapport du ministère des Transports, le 10 janvier, d’autres critiques sur le rôle d’ADP se sont fait entendre. Dimanche 2 janvier, sur France Info, plusieurs patrons de compagnies aériennes ont ainsi remis en cause la coordination entre les autorités, l’aéroport et les compagnies. Un point de vue partagé par René-Marc Chikli, président de l’Association de tour-opérateurs – Ceto, ou Richard Vainopoulos, président de TourCom. « Depuis trois ans, jamais on a fait une bonne réunion pour exprimer les contraintes de chacun », a expliqué Jean-François Dominiak, président d’Europe Airpost.

LES OBLIGATIONS DES COMPAGNIES

Les compagnies aériennes sont aussi montrées du doigt. Les associations de consommateurs, suivies par le gouvernement, ont critiqué le manque d’information et d’accompagnement aux passagers, notamment pour l’hébergement. Pour leur défense, les transporteurs ont rappelé le manque de chambres d’hôtels aux abords des terminaux, mais aussi les problèmes pour acheminer les salariés. Air France a ainsi réservé plus de 20 000 chambres à Roissy, du 17 au 25 décembre, et 46 000 repas et sandwichs, conformément à la législation européenne qui prévoit, dans le cas d’un vol sec, le remboursement ou le réacheminement des passagers de vols annulés et l’assistance aux personnes (rafraîchissements, possibilités de se restaurer, hébergement). Comme en avril dernier, lors de l’éruption du volcan, la question de la force majeure (un événement imprévisible, insurmontable et extérieur) a été évoquée. « Mais, en l’espèce, il devra être examiné au cas par cas, notamment en cas de défaut d’information, ou si des fautes concernant la prévision et la gestion de ces événements, étaient avérées », explique Anne-Sophie Tercera, juriste à la Fédération nationale des associations d’usagers des transports. Une force majeure qui ne libérerait de toute façon pas les compagnies, ni les agences, de leurs obligations. L’association nationale de consommateurs et usagers CLCV estime ainsi qu’il faudrait mettre en place un « dispositif contraignant les compagnies aériennes, et notamment low cost, à prendre en charge les frais de communication, rafraîchissements, restauration, et hébergement imposés par la réglementation européenne ». Les compagnies aériennes ne veulent pas être seules à payer une facture qui devrait dépasser les 35 ME pour la seule Air France (contre 260 lors de l’épisode du volcan islandais) et d’avantage pour un poids lourd comme British Airways. Elles mettent en avant l’exemple britannique. Après les annulations à Heathrow, le gouvernement a annoncé son intention d’introduire une nouvelle législation pour sanctionner financièrement les aéroports qui n’acheminent pas correctement leurs passagers. Une amende qui pourrait atteindre 63 M£ (74 ME), soit 7 % des charges aéroportuaires, d’après la presse d’outre-manche.

PROUVER LE DÉFAUT DE RESPONSABILITÉ

Bien que Nathalie Kosciusko-Morizet ait « envisagé » des sanctions « si un défaut de responsabilité était avéré », beaucoup doutent que l’État agisse contre ADP, dont il est actionnaire majoritaire. Quant à la création d’une liste noire de compagnies, elle paraît encore plus improbable, d’autant qu’elle devrait se faire au niveau européen. Elle relèverait d’une appréciation des passagers et serait donc peu objective, ou de classements selon le nombre de condamnations des compagnies qui ne pourraient pas qualifier sérieusement la qualité de service. Reste, au niveau européen, l’idée d’instaurer un « service minimum pour les aéroports », proposé par Sim Kallas, le commissaire aux Transports. Mais il serait bien difficile, en cas de paralysie pour cause d’intempéries, d’imposer quoi ce soit, remarque-t-on à la Fnam. Au final, c’est surtout la promesse d’une table ronde, le 13 janvier, qui pourrait apporter la meilleure réponse à cette crise, en améliorant la coordination face aux intempéries. Quant à l’investissement dans de nouveaux moyens de lutte et de dégivrage, il faudra les mettre en balance avec les dizaines de millions perdus cette année par le secteur aérien.

Il est peu probable qu’Aéroports de Paris, dont l’Etat est actionnaire majoritaire, soit sanctionné

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