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Carlson Wagonlit Travel : les dessous de l’affaire cubaine

CWT France a vendu pendant plusieurs années des voyages à Cuba malgré les consignes de sa maison mère. Pris la main dans le sac, le réseau a mis en cause deux directeurs régionaux licenciés pour faute grave, une décision retoquée par les Prud'hommes.

En avril dernier, la maison mère de Carslon Wagonlit Travel (CWT) a dû payer près de 6 millions de dollars au trésor américain pour avoir fait voyager au moins 44 430 personnes vers Cuba, en violation de l’embargo américain sur l’île.

Mais l’embargo est aussi retombé sur la tête des salariés de CWT France. L’origine de cette histoire remonte à 1962. Quelques mois après le débarquement raté de la baie des Cochons, John Fitzgerald Kennedy impose un embargo qui interdit les relations commerciales entre les sociétés américaines et Cuba ou les entreprises cubaines. Dès lors, le rachat des parts d’Accor dans CWT par JPMorgan Chase et Carlson, en 2006, soumet l’entreprise et ses filiales françaises à cette loi.

A partir de 2011, la direction française de CWT transmet plusieurs notes à ses salariés expliquant que les réservations ou les ventes sur Cuba sont interdites. Pourtant, cela n’empêche Havas Voyages de signer, fin 2010, un contrat de référencement de trois ans avec Havanatour, spécialiste de Cuba, et de proposer la destination à ses clients français dans la brochure Havas Voyages 2011/2012.

Le contrôle des actionnaires américains

Fin 2011, la direction française de CWT aurait également mis en place une procédure de ventes pour contourner le contrôle des actionnaires américains. Selon nos informations, les agences de voyages du réseau étaient autorisées à vendre Cuba, sous le nom de code "Super Caraïbes", mais en réservant auprès de Havanatour avec les identifiants d’une autre agence, basée au Crès et détenue en partie par la Société des Voyages du Midi (SVM) dont les gérants sont Joel Canis, Alain Plombat et Michel Dinh, qui représente CWT Distribution.

L’astuce imposait d’encaisser les chèques et d’éditer les factures des clients au nom de la SVM, cette dernière devant ensuite reverser 50% de la commission à CWT, d’éviter les mails et de trouver quelques astuces comptables. Mais la direction américaine de CWT aurait découvert le montage mi-2012 lors de contrôles des comptes français, alors qu’elle était déjà dans le viseur de l’OFAC, une division du trésor publique américain. Les actionnaires ont alors fait part de leur mécontentement et "demandé des têtes", explique un représentant syndical.

Deux directeurs licenciés pour faute grave

Résultat, les directeurs pour la région Centre-est et secteur Est sont mis à pied le 28 juin, puis licenciés pour faute grave le 31 juillet 2012. D’après les Conseils des Prud’hommes de Lyon et de Metz, CWT Distribution reprochait à ces directeurs "de n’avoir pris aucune mesure pour faire cesser les ventes à destination de Cuba réalisées par les agences de son réseau".

Une décision qui a étonné la plupart des salariés de l’entreprise. La procédure mise en place pour contourner le contrôle des ventes sur Cuba a en effet été validée par la direction. "Au début, la direction a pensé à sanctionner les vendeurs, puis les responsables d’agences, mais il y en avait trop. Ils se sont rabattus sur quelques directeurs régionaux, cela passait mieux auprès des syndicats", explique-t-on en interne.

Les tribunaux ont condamné CWT

De fait, CWT Distribution a finalement été condamné pour licenciement abusif par deux tribunaux différents, les Prud’hommes de Metz et de Lyon, avec des indemnités de licenciement et des dommages et intérêts s’élevant à plusieurs centaines de milliers d’euros.

Comme l’explique la justice, les directeurs régionaux ne sont coupables d’aucune faute puisque la direction générale a laissé en place les systèmes qui permettaient d’effectuer des ventes vers Cuba jusqu’au 3 juillet 2012, soit une semaine après leur mise à pied. Le tour-opérateur Havanatour et d'autres voyagistes étaient toujours référencés chez CWT et accessibles via leur site professionnel POLO et "les clients pouvaient acheter des séjours à Cuba via le site interne Havas Voyages Nationale", précise ainsi la justice.

La direction n’a pas souhaité faire de commentaire

"C’est le directeur France qui est, normalement, le véritable responsable sur ce dossier", estime un responsable syndical. Contactée par nos soins, la direction n’a pas souhaité faire de commentaires.

Selon nos informations, CWT France a fait appel de la décision.

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