2023 : une reprise des voyages à l’épreuve de l’inflation
La reprise est forte, très forte même. Reste que l’inflation amène à des arbitrages, côté consommateurs comme employeurs.
Sur le segment des voyages d’agrément, l’explosion des prix, notamment aériens, n’est pas neutre. « 25% de clients en moins dans les agences de voyages, ce n’est pas rien », a expliqué Valérie Boned, secrétaire générale des Entreprises du Voyage (EdV). C’était lors de la récente convention des EdV Grand Est à Chypre.
Pour autant, agences et voyagistes redoublent d’activité. « Les Français ont très envie de voyager, et dépensent plus qu’avant pour ceux qui peuvent partir, complète Valérie Boned. Donc, le volume d’affaires reste un peu au-dessus de 2019, avec moins de clients et un panier moyen très élevé. » Ce qui crée des tensions sur certains produits et destinations, à court de sièges d’avion ou de chambres d’hôtel…
Prix : +15% à +25%
Le panier moyen des voyages à forfait progresse en mars 2023 de 15% à 25%, en glissement annuel, d’après le baromètre Orchestra pour l’Echo touristique.
Même constat chez Voyageurs du Monde, qui prévoit cette année un chiffre d’affaires bien supérieur à 2019 avec un nombre de clients légèrement accru.
Sur 10 pays phares, le groupe observe une augmentation tarifaire de « 15% à 25% par rapport à 2019 », a indiqué son PDG Jean-François Rial lors d’une interview sur France Inter. « Soit les clients suivent l’inflation. Soit la clientèle qui a un peu plus de mal change de destination, mais maintient son niveau de dépenses. »
Une France qui se fracture
Certains voyageurs vont ainsi troquer un projet de vacances aux Antilles pour la Sicile, avec le même budget que prévu. « Nos confrères qui sont plus sur une clientèle entrée de gamme ont des croissances très similaires aux nôtres », assure Jean-François Rial.
La profession ressent néanmoins l’impact de l’inflation généralisée, poursuit Valérie Boned. « Ceux qui ont le moins de moyens ne vont quasiment pas partir à l’étranger. Ils vont rester en France, dans la famille et chez les amis par exemple. Car le panier moyen a énormément augmenté sur les besoins de première nécessité. » Et d’ajouter : « Le bas de la classe intermédiaire va énormément souffrir dans les mois à venir de l’inflation et de la baisse du pouvoir d’achat. Il faut être attentif à cela. »
« Payez correctement vos salariés »
D’autres facteurs perturbent la forte reprise des voyages, à commencer par les grèves à répétition en France et le manque de personnel. Environ 200 000 postes resteraient vacants dans l’industrie du tourisme, d’après des estimations de Bercy. « Globalement, la profession manque (toujours) de bras », a confirmé au micro de France Inter Jean-François Rial, également président de l’Office du tourisme et des congrès de Paris.
« Je dirais aux restaurateurs, aux hôteliers, aux voyagistes, quels qu’ils soient : payez correctement vos salariés, proposez leur des conditions de travail plus sympathiques : le week-end, le soir. Cela va coûter plus cher, oui, mais on s’en fiche. C’est le consommateur qui doit payer le vrai prix. » Quitte à ce que l’inflation continue donc, dans ce secteur dont les salaires bas participent au manque d’attractivité.
Voyager moins ?
Et Jean-François Rial de faire une comparaison avec l’inflation dans l’alimentaire. « Il se trouve que je suis également fermier écologique, avec la Ferme du perche. Nos prix montent parce que nos coûts salariaux montent, et nos coûts énergétiques aussi. Ce n’est pas au maraîcher ni aux salariés de payer les conséquences de l’augmentation des coûts. Le consommateur n’a qu’à aller moins souvent au restaurant ». Et « n’a qu’à voyager un peu moins ». Un mantra justifié pour des raisons économiques mais aussi écologiques, estime le PDG.
