Destination : les Etats-Unis victimes de leur succès ?
Les Etats-Unis devraient retrouver l’an prochain leur niveau de 2019 sur le marché français. Mais la destination est devenue chère et elle ne parvient pas à répondre aux demandes de visa dans des délais raisonnables.
Depuis la fin de l’épidémie de Covid-19, le marché français reprend des couleurs aux Etats-Unis. Sans retrouver les 1,84 million de visiteurs de 2019, ils étaient ainsi 1,6 million à s’envoler l’an dernier pour le pays de l’oncle Sam, soit une hausse de 20% comparé à 2022.
20% de croissance au premier trimestre
« Une progression de 20% a encore été enregistrée au premier trimestre 2024 et nous espérons améliorer ce résultat d’ici l’été », précise Rémi Vénitien, le directeur de production de TUI France et président du Visit USA Committee France lors de l’IPW, le salon américain du tourisme qui s’est déroulé la semaine dernière à Los Angeles. « Nous espérons cette année nous approcher du record de 2019 qui sera atteint l’année prochaine ».
Cette reprise tardive comparée au succès des USA sur d’autres marchés a rétrogradé la France à la 10e place au niveau mondial au cours du 1re trimestre. Outre la concurrence entre les destinations plus forte qu’auparavant, c’est d’abord l’envolée des tarifs qui pénalise la destination, jugent les voyagistes présents au salon B2B.
« Notre panier moyen a quasiment doublé depuis le Covid pour s’établir autour de 6000 euros », constate ainsi Clémence Robert, chef de produit chez Amplitudes.
« L’aérien s’est apprécié de 30% avant de commencer à refluer récemment, les prestations terrestres de 3 à 8% et les repas sont devenus très chers », détaille Rémi Vénitien. Sans oublier qu’il faut y ajouter les incontournables pourboires. Le coup de bambou pour les clients qui partent en autotour ! « Face à ces augmentations, la qualité n’est en plus pas toujours au rendez-vous dans l’Ouest, autour des parcs nationaux notamment », regrette Adeline Sullivan, responsable Partenariats et trade chez Worldia. Le coût de l’aérien représente également un vrai souci car les compagnies privilégient les tarifs Flex et n’accordent plus de stocks en amont pour les circuits. »
Plus d’un an pour un rendez-vous pour faire un visa
Un autre point inquiète les membres du Visit USA Committee : la difficulté pour obtenir un visa d’entrée, les rendez-vous donnés par l’Ambassade américaine sur son site étant désormais pour… septembre 2025* ! Or l’obtention d’un visa est nécessaire aux voyageurs qui se sont rendus à Cuba et dans certains pays sensibles du Moyen-Orient (Syrie, Irak…). Avec 62 856 visas accordés en France l’an dernier (+26% vs 2022), le sujet impacte aussi les voyageurs d’affaires qui doivent se rendre sur place pour des raisons professionnelles.
Une procédure accélérée d’Expedite Visa voire en Visa Referral via l’aide d’un représentant du gouvernement ou du Département américain au Commerce est toutefois possible mais sans garantie de succès pour la seconde malgré une grosse paperasserie à la clé. Il faut dans ce dernier cas que le voyage de la personne demandant un visa représente un intérêt de première importance pour les USA. La situation pourrait encore s’aggraver avec la fermeture envisagée du bâtiment consulaire pendant les Jeux olympiques et paralympiques car situé en zone rouge. L’Ambassade espère toutefois pouvoir offrir un service minimum ou trouver une solution de repli dans un lieu hors de ce périmètre.
Un attentisme dû aux JO
Les Jeux olympiques et paralympiques 2024 semblent d’ailleurs avoir un impact sur les réservations des TO. Et ce, pas uniquement sur les États-Unis.
« Si mai et juin sont bons tout comme septembre-octobre, un certain attentisme est observé pour juillet-août, les Français semblant avoir des difficultés à se projeter. Beaucoup n’ont pas encore réservé », ajoute Rémi Vénitien. Les années olympiques ne seraient ainsi pas de grands millésimes pour le voyage.
D’ailleurs, les ventes de forfaits aux Etats-Unis via les agences offline et online reculent de 17% en avril, selon le baromètre Orchestra pour L’Echo touristique, et de 23% en mars.
La France, 3e marché à New York
Venus faire leur marché sur l’IPW, les « buyers » restaient néanmoins optimistes estimant que 2024 sera au final une année américaine. Plusieurs confiaient toujours être en croissance sur la destination dont Voyamar qui vient de se doter d’un nouvel outil pour les séjours à la carte, et Evaneos. « Je suis venue dénicher des produits plus responsables et des expériences originales », témoigne ainsi Séverine François, Offer Key Account Developer de la plateforme Evaneos. Côté ventes, l’Ouest américain puis New York constituent toujours l’essentiel des ventes.
La France représente d’ailleurs le troisième marché de New York City (derrière le Royaume-Uni et le Canada) avec 759 000 visiteurs l’an dernier et 823 000 attendus cette année. La Floride serait pour sa part en recul, lié à sa non représentation actuelle en France, souffrant de fait d’une absence de communication en BtoC comme en BtoB. La Louisiane puis le Colorado, le Texas, le Tennessee… se partageant le reste du gâteau, grâce aux repeaters inconditionnels des States.
Les Etats-Unis visent la place de 1ère destination mondiale
Avec plus de 5700 participants (+20%/2023) en provenance de 70 pays, l’édition 2024 de l’IPW a tenu toute ses promesses avec des retombées économiques estimées à 5,5 milliards de dollars pour les USA qui ont fait du tourisme l’une des priorités nationales. « L’objectif est de faire des États-Unis la première destination mondiale avec 90 millions de visiteurs étrangers en 2027 pour 280 milliards de dollars de recettes », a martelé Geoff Freeman, président et CEO de l’US Travel Association. Et donc ravir le titre à la France qui a accueilli environ 100 millions de visiteurs étrangers l’an passé.
Pour soutenir la croissance des arrivées internationales, Geoff Freeman compte sur de grands événements tels cet été la Copa America, en 2025 la World Prise à Washington D.C, en 2026 la Coupe du monde de football et les célébrations autour du 250e anniversaire des USA (et le 400e de NYC). Sans oublier en 2028 les Jeux olympiques de Los Angeles. Pour réussir, le pays a trois défis à relever, estime-t-il : réduire les délais de délivrance des visas (car la France n’est pas la seule touchée), faciliter les procédures d’entrée (avec 2h d’attente pour passer les contrôles d’immigration la semaine dernière à LA lors de notre participation au salon IPW) et moderniser l’Air Traffic Control System devenu inadapté face à l’augmentation des vols aux Etats-Unis.
*Toutefois, il est toujours possible de remonter un peu dans le temps, de quelques jours voire de plusieurs semaines en se connectant le matin entre 7h et 8h et en récupérant les rendez-vous de personnes qui remontent également la file ou qui ont tout simplement abandonné leur projet de voyage aux USA, selon le Visit USA Committee France.