Vols annulés non-remboursés : faut-il créer des bons d’achat entre compagnies aériennes ?

L’Echo touristique : Vous êtes coprésidente du groupe Tourisme de l’Assemblée nationale. Vous avez écrit à la Commission européenne au sujet d’une problématique très forte pour les agences et les clients, le non-remboursement des vols annulés. Vous a-t-on répondu ?

Pascale Fontenel-Personne : Non, mais je n’ai pas tourné la page. Je siège au Comité de filière du tourisme auprès de Jean-Baptiste Lemoyne. Le sujet du non-remboursement est régulièrement mis sur la table. C’est scandaleux, d’autant que des compagnies pourraient déposer le bilan. Je partage avec le député européen José Ramon Bauza, qui est l’ancien président des Baléares, une vision : il faudrait pouvoir transformer ces billets en vouchers applicables à l’achat de billets auprès d’une autre compagnie dans les 18 mois, à travers un fonds européen. Si j’ai acheté un billet Paris-Prague au prix de 300 euros, je peux l’utiliser comme bon d’achat, et réserver ainsi un billet à 500 euros, sur une autre compagnie, voire sur une autre destination. J’ai une visioconférence avec Thierry Breton (le commissaire européen au marché intérieur, NDLR), ce qui me permettra d’évoquer avec lui l’idée de ce fonds européen. Tous les pays et les passagers européens font face au problème du non-remboursement des vols annulés. Le dispositif du voucher entre compagnies aiderait de surcroît le secteur à redécoller.

Les compagnies aériennes seront sans doute hostiles à un tel mécanisme…

Pascale Fontenel-Personne : Oui, même si elles y sont opposées, nous défendrons le citoyen et le consommateur.

Air France rembourse les billets pour les annulations de vols effectives à partir du 15 mai, pas celles précédant cette date. Est-ce scandaleux pour vous ?

Pascale Fontenel-Personne : Rien n’est scandaleux quand on perd 85% de son chiffre d’affaires, ce qui amène à des arbitrages. Le redémarrage des vols est compliqué.

Quel regard portez-vous sur le manque d’harmonisation en Europe, lors de la réouverture des frontières. La Grèce, par exemple, les rouvre avant les autres pays de l’UE aux pays hors Espace Schengen… Le Plan Marshall européen en faveur du tourisme ne pourrait-il pas avoir pour prérequis l’acceptation, par les Etats bénéficiaires, de règles communes sur la réouverture ?

Pascale Fontenel-Personne : Ce prérequis serait intéressant… Ce que je constate, c’est qu’il n’y avait pas vraiment d’Europe au moment du confinement. Lors du déconfinement en cours, nous avons plus d’Europe. L’harmonisation est en cours, même si elle n’est pas aboutie. Ce n’est pas un vœu pieux, mais elle va prendre un peu de temps dans sa concrétisation. Avec le Plan Marshall et la coconstruction des besoins de chaque pays, je pense que nous allons parvenir à bâtir une vraie pensée européenne pour le tourisme.

Un sujet vous tient très à cœur, le chèque-vacances, comme levier du tourisme social*. Vous défendez la réforme de l’ANCV. Comment ?

Pascale Fontenel-Personne : Il faut élargir l’accès aux chèques-vacances. D’ailleurs, je dépose une proposition de loi sur ce sujet aujourd’hui même (interview réalisée le 17 juin), qui est cosignée par environ 90 députés. Le chèque-vacances, qu’André Trigano a été le tout premier à distribuer, c’est la promesse d’un tourisme pour tous. Le tourisme social, c’est aussi la vitalité de nos territoires, et un levier de création d’emplois. Quand on distribue 1 euro en chèque-vacances, c’est 3 euros qu’on injecte dans l’économie locale. Aujourd’hui, seuls 4,5 millions de Français en bénéficient. Les critères d’accès doivent être simplifiés par la loi, notamment pour les petites entreprises. Nous devons permettre au plus grand nombre de partir ainsi en vacances ou de consommer des loisirs. Il faut que ce soit simple à mettre en œuvre, comme la prime Macron, qui vise à redonner du pouvoir d’achat.

Quels sont les chantiers prioritaires selon vous, pour la reprise du tourisme ?

Pascale Fontenel-Personne : Le sujet prioritaire, c’est la réouverture de tous les établissements, avec les protocoles sanitaires simples et publiés dans les délais, et les décrets d’application dans les 48 heures. Les campings ne savent toujours pas comment ils pourront rouvrir leurs espaces aquatiques, au 17 juin ! Deuxième priorité, à la sortie de saison, il faut tout mettre tout en œuvre pour maintenir les opérateurs jusqu’à la saison d’après, et éviter ainsi les dépôts de bilan.

Le fonds européen, pour les billets non remboursés, n’est pas une priorité ?

Pascale Fontenel-Personne : Étant (apparentée) En Marche, je peux dire que c’est du registre du « en même temps » (rires).

Vous avez rejoint la politique par des chemins très détournés. Comment êtes-vous devenue députée de la Sarthe ?

Pascale Fontenel-Personne : J’ai travaillé dans différents domaines, notamment comme mandataire judiciaire au début de ma carrière. J’ai découvert le tourisme en 1989 via une des filiales du groupe d’André Trigano, qui a été député et est toujours maire. En 2012, j’ai lancé ma propre société de transports et de tourisme au Mans, AccessTours, et pris conscience que les structures de l’Etat étaient parfois complexes. Jean-Claude Boulard, le sénateur-maire du Mans, m’a parlé d’Emmanuel Macron, je me suis engagée. J’ai créé un comité rural dans ma ruralité, tout en me détachant de mon entreprise. Quand le Président a demandé aux femmes de la société civile de s’engager, j’ai postulé et suis arrivée en tête des députés de la Sarthe au premier tour. Nous sommes dans la région des 24h du Mans, la vitesse et l’endurance nous tiennent à cœur. L’endurance, c’est pour la réforme constitutionnelle qui n’est pas terminée, et faire bouger les lignes du travail entre les politiques et les administratifs.

* Pascale Fontenel-Personne est l’auteure du rapport gouvernemental « Vacances et Tourisme pour Tous », comprenant 23 préconisations.

Save the Date : Pascale Fontenel-Personne sera l’un des intervenants lors du Forum A World For Travel, organisé les 5 et 6 novembre 2020 dans la ville historique d’Evora, proche de Lisbonne.

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