Olivier Kervella (NG Travel) : « Cet été, nous sauvons les meubles avec trois destinations »
Suite aux regrettables déclarations du secrétaire d’Etat Clément Beaune, la tendance s’est inversée, note le patron de NG Travel/Boomerang. Mais la situation s’est en partie redressée, ce qui permet au groupe d’atteindre 70% de l’activité estivale enregistrée en 2019.
Quel est le pré-bilan de l’été, versus 2019 et 2020 ?
Olivier Kervella : Le bilan s’annonce meilleur qu’anticipé il y a trois mois. Mais il s’avère moins bon que ce que nous avions prévu courant juin. Sur la période juillet-août, nous devrions enregistrer plus de 50 000 pax, soit 70% du volume de l’été 2019. C’est nettement mieux qu’en 2020 et ses 15 000 clients. Cet été, nous allons sauver les meubles grâce à trois destinations en vert, qui font chacune au moins aussi bien qu’en 2019 : la Grèce, l’Espagne et l’Italie représentent 80% de nos ventes. Même si la saison a démarré tard, à compter de la deuxième quinzaine de mai, nous avons réussi à rattraper 2019 sur ces trois pays. Ceux qui partent habituellement en long-courrier, en Tunisie ou au Maroc se sont rabattus dessus.
Compte tenu de ces reports, quelle est la situation de NG Travel au niveau des avoirs ?
Olivier Kervella : Un peu plus de 50% des avoirs ont été consommés. Nous espérons atteindre 60% d’ici la rentrée. Nous devrions rembourser 40% des avoirs.
Quelles sont les principales difficultés ?
Olivier Kervella : Le plus dur n’est pas lié à NG Travel ou à Boomerang. Ce qui est difficile pour les équipes, c’est de s’adapter à des mesures qui changent en permanence. C’est le secteur le plus impacté par la crise, et celui qui pâtit du plus grand manque de visibilité. Nous faisons et défaisons en continu, en fonction des règles établies par la France et les destinations d’accueil. Les règles et les jauges des restaurants, elles, ne changent pas tous les jours. Dans notre secteur, heureusement, nous pouvons compter sur le formidable soutien des instances représentatives du secteur – Seto et EdV – et de nos partenaires : hôteliers, compagnies, et même concurrents. Nos équipes font un travail formidable depuis 18 mois, elles m’impressionnent par leur combativité, elles ne lâchent rien. Comme en kite-surf, nous avons appris à vite ajuster la voile en fonction de la force du vent. Finalement, l’été sera honorable grâce l’implication des collaborateurs et des syndicats qui sont toujours à nos côtés.
« Sur l’Espagne, nous sommes passés de +100% à -70% en quelques jours. Les propos de Clément Beaune étaient ubuesques, incompréhensibles et irresponsables. »
Les déclarations de Clément Beaune ont-elles fortement ralenti les réservations sur l’Espagne, et entraîné des annulations ?
Olivier Kervella : Oui, l’impact a été colossal sur l’Espagne mais aussi sur les autres destinations. Avant cette déclaration, sur l’Espagne, nous étions en croissance de 100% en prises de commandes, par rapport à 2019. Après la prise de parole du secrétaire d’Etat, les réservations sont passées à -70%… Cela s’est ensuite amélioré à partir du 12 juillet avec la clarification d’Emmanuel Macron. Nous sommes désormais à +10% sur l’Espagne.
Les propos de Clément Beaune étaient ubuesques, incompréhensibles et irresponsables, puisque l’Espagne et le Portugal sont restés en vert. C’est un peu comme s’il s’était positionné contre son propre camp gouvernemental… Nous avons des engagements hôteliers et aériens, nous avons dû faire face à des annulations, beaucoup de clients inquiets nous ont appelés.
La Grèce est la première destination cet été pour NG et ses différentes marques. Vous n’avez pas de problèmes de stocks grâce à vos engagements aériens ?
Olivier Kervella : Non, parce que nous avons cinq vols sur la Grèce : deux pour nous seuls, trois avec Héliades. Nous disposons ainsi de 10 000 sièges engagés, sans compter les vols réguliers. Au niveau des hôtels, nous avons notamment le Club Eldorador Ostria, avec jusqu’à 280 chambres, ce qui est considérable. Sur TripAdvisor, les retours sont excellents sur cet ex-Jet tours, dans lequel beaucoup d’agents de voyages passent leurs vacances cet été. Cela fait très plaisir pour son propriétaire, qui est quelqu’un de formidable. Nous avons également d’autres capacités dans d’autres hôtels, nous avons récupéré des chambres qui sont habituellement réservées par des clients britanniques. La Grèce est la success story de l’été, elle affiche une croissance de 30% en juillet-août, par rapport à 2019. Les prix restent attractifs sur la destination.
La Grèce est la success story de l’été.
Sur la Tunisie, passée du statut orange à rouge côté français, comment avez-vous géré la situation ?
Olivier Kervella : La gestion des dossiers n’est pas très complexe. La Tunisie occupe une place mineure dans les ventes cette année. La destination étant précédemment en orange, les clients qui avaient réservé étaient déjà vaccinés. Quand le pays est passé en rouge, sans motifs impérieux pour les voyageurs partant avec un TO, beaucoup de clients ont maintenu leurs réservations. D’autres ont préféré reporter sur une autre destination, ou nous leur avons délivré un avoir.
Vos clients sont-ils en très grande majorité vaccinés ?
Olivier Kervella : Environ 30% de nos clients effectuent un test antigénique à leur retour en France. Nous en déduisons que 70% sont vaccinés, ce qui est au-dessus de la moyenne française. C’est logique, les voyageurs anticipent.
Comment anticipez-vous l’automne et l’hiver, pour l’ensemble du groupe et votre nouvelle marque Eldorador ?
Olivier Kervella : Nous aurons une dizaine d’Eldorador cet hiver, avec beaucoup de chambres et de grandes équipes d’animation. L’Ostria en Crète, où nous testons des spectacles avec le théâtre parisien Le Point Virgule, est notre vaisseau amiral et notre modèle en la matière.
Après un début d’année à 15% du niveau 2029, puis un été plutôt satisfaisant, nous sommes inquiets. L’automne, soit la saison à partir de fin octobre, n’a pas du tout démarré. Nous sommes très en retard parce que les grandes destinations long-courriers n’ont pas rouvert. La reprise dépendra du taux de vaccination en France – il faudrait atteindre 70% voire 80% – et de l’ouverture de pays comme la Thaïlande, l’île Maurice et les Etats-Unis. Je suis plutôt pessimiste sur l’hiver. Mais la situation peut vite évoluer dans le bon sens, c’est ce que le mois de juin nous a appris. L’idée du « revenge travel » n’est pas une vue de l’esprit, les Français ont très envie de partir.
Vous aviez un projet de reprise de Fram, que Karavel/Promovacances a finalement acquis. Avez-vous un projet de croissance externe ?
Olivier Kervella : Nous n’avons aucun projet d’acquisition en France. Nous avons désormais suffisamment de marques, notamment en clubs. En revanche, nous regardons des dossiers en Italie, où nous avons ouvert un bureau avec des commerciaux. Cette crise peut créer des opportunités.
Nous avons obtenu un PGE de 13 millions d’euros (…). Nous allons sans doute rapidement le rembourser.
Avez-vous obtenu et consommé un Prêt garanti par l’Etat (PGE) ?
Olivier Kervella : Au début de la crise, nous avons obtenu un PGE de 13 millions d’euros. Nous ne l’avons pas utilisé et nous allons sans doute rapidement le rembourser.
Les équipes sont-elles sorties de l’activité partielle ? Vont-elles basculer sur de l’APLD ?
Olivier Kervella : Au mois de juin, jusqu’à 80% des équipes ont repris le travail, mais l’activité a depuis ralenti. Les équipes restent en activité partielle jusqu’à la fin août. En septembre, nous allons sans doute basculer en APLD.
Vous avez remporté un Travel d’Or pour votre engagement sur la voie d’un tourisme responsable. Comment les équipes ont-elles accueilli cette récompense ?
Olivier Kervella : Nous attendions depuis longtemps (rires) : c’est la première fois que nous gagnons un Travel d’Or, à l’occasion de la 12 douzième édition de l’événement. Les équipes sont très contentes d’avoir gagné ce prix dans la catégorie Green Action. Cela vient récompenser ce que nous avons mis en place sous la marque Kappa. Nous sommes tous vraiment fiers de ce trophée, qui est exposé à l’Atelier Kappa.
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