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Avis voyageurs : la norme Afnor accouchera-t-elle d’une souris ?

La norme censée limiter le nombre d'avis frauduleux sur des sites comme TripAdvisor doit être publiée en juin. A priori, la preuve de séjour que plusieurs appelaient de leurs vœux ne sera pas requise.

Les avis de consommateurs sont stratégiques. Mais est-il possible de formater leur collecte, modération et publication ? L’agence de normalisation française (Afnor), qui diligente les travaux en ce sens, y croit dur comme fer.

Depuis 18 mois, un projet de norme des avis, applicable au voyage comme aux autres secteurs d’activité, est dans les cartons. Lundi 8 avril s’est déroulée une réunion de commission réunissant les près de 50 protagonistes impliqués*. L’occasion de dépouiller 175 des 300 commentaires remontés dans le cadre de l’enquête publique menée à cette fin. L’Afnor annonce une autre réunion le 30 mars, puis une autre en avril, pour la publication de la norme en juin. Si l’organisme est satisfait, certains membres de la commission restent sur leur faim.

Pas de preuve de séjour

La principale pierre d’achoppement concerne la non-obligation de preuve de séjour. C’est un des griefs formulés par l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), qui dénonce la recrudescence des faux avis et de "chantage à l'avis". "Nous avons participé aux travaux dans le but de créer une norme qui permettrait de fiabiliser la collecte, le traitement et la restitution des avis sur Internet, a expliqué son président Roland Heguy dans un communiqué. Or le projet actuel crée une norme a minima, qui, si elle s’applique en l’état, ne résoudra pas les problèmes rencontrés ni par nos professionnels ni par les consommateurs. C’est une mascarade qui ne nous permettra pas de fiabiliser durablement et globalement les commentaires sur Internet".

Gilles Granger, directeur général de Vinivi.com, est sur la même longueur d’ondes : "Sans preuve de séjour, les avis ne peuvent être fiables. Nous devrions refuser de certifier un site qui fonctionne avec des algorithmes. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde, ou presque, veut avoir cette norme, y compris ceux qui sont le plus décriés". En tout cas, l’Afnor doit rallier le plus grand nombre à sa cause, à commencer par le célèbre hibou digital. Une norme sur les avis sans TripAdvisor, c’est comme parler de moteurs de recherche en omettant Google. Autrement dit, sans le leader, la norme basée sur le volontariat serait tuée dans l’œuf. Or l'Umih reste parfaitement lucide : "Nous ne pouvons pas demander à TripAdvisor de gérer la demande de factures, alors que le site reçoit 60 contributions chaque minute, souligne Laurent Duc, président d’UMIH Hôtellerie Française. Nous sommes réalistes".

Les contre-arguments

S’il est facile de lui imposer de faux avis, TripAdvisor avance des contre-arguments recevables. La preuve de séjour – comme la facture – n’est pas un barrage implacable contre la fraude. Un hôtelier qui démarre pourra être tenté de créer 15 réservations sur Booking.com, pour ensuite déposer des avis dithyrambiques. Auquel cas sa bonne e-réputation ne lui aura coûté que la commission (18% à 25%) versée à la centrale de réservations. TripAdvisor aime donner cet exemple à ses contradicteurs, qui lui répondent que les avis subséquents – de clients pour la plupart avérés – viennent rétablir une certaine vérité. Autrement dit, le nombre, le volume de contributions noie les faux. Une affirmation qui crédibilise l’approche de TripAdvisor, arc-bouté derrière ses filtres principalement automatiques…

Aucune méthodologie n’est parfaite. Ce qui limite d’emblée l’intérêt d’une norme, sauf à rassurer un internaute qui sait de mieux en mieux distinguer seul le bon grain de l’ivraie.

Reste que, si le projet porté par l'Afnor suscite de vives critiques, personne n’a quitté la table des négociations. Pour satisfaire toutes les entreprises et organisations présentes, il faudra que chacun continue à faire des concessions. Le principe du consensus est l’essence même d’une norme, qui réunit des acteurs aux intérêts divergents, voire antagonistes. Des demandes ont déjà été acceptées – comme le droit de réponse -. D'autres sont en attente. L’une des pistes d'amélioration qui pourrait être envisagée, ce serait de demander aux sites d’avis de créer un pictogramme permettant d’identifier (voire de filtrer) les avis adossés à une preuve de séjour.

Le deuxième étage de la fusée

La norme doit être publiée en juin. Les sites intéressés pourront s’auto-déclarer "conformes" à elle. "Avec cette norme a minima, toutes ceux qui participent aux travaux de préparation devraient pouvoir s'en prévaloir", commente Laurent Duc. Et si l’un des sites revendique à tord cette conformité ? Seule une enquête diligentée par la Direction générale de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) pourrait a priori conduire, le cas échéant, à stopper ce contrevenant.

Un deuxième étage de fusée est envisagé. Il s’agit d’une norme "certifiante", ce qui passerait par un nouveau calendrier de réunions pour rédiger un référentiel de certification. En clair, les sites seraient tamponnés de la norme NF aux termes cette fois d’un audit réalisé par un organisme certificateur. Laurent Duc exprime une inquiétude : "Les sites auto-déclarés devraient cohabiter avec ceux disposant de la norme NF après avoir été audités". Le consommateur ferait alors sans doute un joyeux amalgame entre les deux. Booking, lui, n'en a cure. Le géant de la réservation hôtelière est absent de tous ces travaux.

* les syndicats professionnels (UMIH et Synhorcat), des sites marchands (Voyages-sncf.com, Expedia…), des sites d’avis tels TripAdvisor et Vinivi, la DGCCRF, la CNIL, des associations de consommateurs.
 

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