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Thierry Maillet : « Le bonheur ? Etre libre et rire »

Une bouille toute ronde, le sourire chaleureux. Thierry Maillet, c’est un cadre commercial de la Française des Circuits. Ce fan de rock était dans la salle du Bataclan, le 13 novembre 2015. Un drame dont il retient une grande… leçon de vie.

L’Echo touristique : Thierry Maillet, qui êtes-vous ?

Thierry Maillet : Je suis un homme qui a déjà eu énormément de vies. Je suis quelqu’un de passionné, hyperactif et j’aime les gens.

Divorcé, un fils Alexandre qui vit en Guadeloupe avec sa maman.

Vous venez du nord…

Thierry Maillet : Je viens de Lille. Je peux prendre l’accent…

Comment êtes-vous arrivé dans le secteur tourisme ?

Thierry Maillet : Le secteur m’a toujours attiré, et je ne voulais pas rester dans un bureau. Mon BTS en poche, j’ai envoyé plusieurs CV au retour de l’armée, dans les hélicoptères de combat. J’ai eu deux réponses : Go voyages avec Gilbert Baladi et Lucien Klat que j’ai retrouvé toute ma carrière, et Framissima. J’ai choisi Go Voyages. Je suis dans le métier depuis 32 ans.

D’ailleurs, vous êtes connu dans le métier, et apprécié.

Thierry Maillet : C’est gentil. Je connais les agences de la France entière. J’en suis très fier, j’ai une belle clientèle.

Vous êtes un routier du secteur !?

Thierry Maillet : Oui j’adore ça ! Cela me manque. Les gens en ont ras le bol de la visio.

Il est beaucoup question d’écologie dans le tourisme, cela va-t-il ensemble ?

Thierry Maillet : C’est une question piège ! On a besoin d’aller découvrir les peuples. Je prends l’avion et je reprendrai l’avion jusqu’à ma mort. Je prends ma voiture, même si Madame Hidalgo n’est pas contente. Si je dois faire un salon à Paris et rencontrer mes clients, je le ferai.

Vous êtes aussi passionné de musique, de rock principalement. Fan de Johnny Hallyday…

Thierry Maillet : Je suis tombé petit chez Johnny, en 1971, j’avais 7 ans et je voyais quelqu’un qui gueulait, qui se roulait par terre, qui transpirait. Je suis resté scotché et je l’ai toujours suivi. Je l’ai vu 76 fois sur scène. Chaque fois c’était extraordinaire. La musique en fait partie. Je dois avoir 20 000 CD et plus de 2 000 vinyles. J’aime la culture en général, notamment la lecture. 

La vie, c’est quoi pour vous ?

Thierry Maillet : Avec le Covid, on passe au-dessus des petits bobos de la vie. La vie, ce sont les copains, la famille, les relations humaines. C’est le lien où on se réfugie. C’est la musique aussi. Ça fait deux ans que je n’ai pas vraiment vu de concert. La vie, c’est boire une bière, casser la croute, échanger, regarder un artiste, discuter après. C’est également aller voir les autres civilisations. Je suis un passionné des Etats-Unis et de l’Asie. La Thaïlande me manque.

On va aborder un sujet un peu délicat. Vous étiez au Bataclan ce fameux 13 novembre.

Thierry Maillet : Oui. C’est un accident de vie. Je vous avais donné ma première interview au lendemain de l’évènement, ça ne s’oublie pas. J’en parle rarement, je ne voudrais pas être le Thierry du Bataclan… Ceux qui étaient au RER B à Saint-Michel n’ont rien demandé, les pauvres se sont retrouvés là. Effectivement, j’ai fait partie de cette aventure malgré moi. Je me suis porté partie civile, j’ai témoigné le 18 octobre face à la cour, au président, aux terroristes, y en a 14. Je ne me suis pas dégonflé. J’ai parlé sans lire, avec mes mots et mes gestes. J’ai fini par dire en les regardant – 2 ou 3 ont baissé les yeux – « il paraît que je suis un mécréant. Si être un mécréant c’est aimer la vie, les terrasses, boire un coup, les planches de charcuterie et les copains, les belles femmes, la musique alors j’en suis un et j’en suis fier. Mais attention on est plus de 50 millions dans ce cas. » J’ai parlé avec mon cœur de tout ce qui était arrivé, avant de dire « vive la République et vive la France ». Ça a été filmé pour la prospérité, pour les futurs jeunes comme le procès Klaus Barbie. Mon avocat m’a dit que j’avais secoué (l’audience). Je retourne de temps en temps au procès. C’est toujours intéressant d’avoir les sentiments de François Hollande, Bernard Cazeneuve, François Molins. Les terroristes se sont aussi exprimés. Ils ont parlé de leur enfance, que je résume : tous picolaient, fumaient de la drogue, et maintenant ils veulent nous dicter ce qu’on doit faire ou ne pas faire.

Vous en voulez aux terroristes ?

Thierry Maillet : Bien sûr ! Ce sont des abrutis. Abdeslam s’exprime très bien. J’ai vu pendant les auditions que certains sont plus dangereux, comme celui, très intelligent, qui a une licence de psychologie. J’en veux à ces gens qui tuent des gens ou aident à tuer. 

Moi, j’aime la vie.

Comment vit-on après des évènements aussi dramatiques ?

Thierry Maillet : Lors du procès, j’ai vu des victimes, des gens blessés. L’un d’eux m’a choqué, son pied a été arraché par une balle de kalachnikov. Je me suis vraiment rendu compte de ce à quoi j’avais échappé. J’avais envie de vomir et je me suis demandé si j’avais la légitimité. Il y a toujours pire. Moi j’aime la vie, je profite. Je ne remets jamais à plus tard. On ne sait pas ce qui peut arriver la semaine prochaine. J’essaie de ne plus me laisser emmerder par des conneries.

Est-ce facile ou difficile de reprendre une vie normale ?

Thierry Maillet : J’ai toujours repris. Le lundi, je suis retourné au travail. Je pense avoir fait ma thérapie dans les médias. Je suis allé sur différents plateaux. A force de raconter les choses, cela m’a libéré. Je suis allé voir deux psys, cela ne m’a rien apporté.

Lors du procès, des cordons rouges désignent ceux qui ne veulent pas parler à la presse. Les cordons verts parlent, c’est mon cas. Je ne refuse jamais une interview. 

Vous avez employé le terme « mécréant », êtes-vous croyant ?

Thierry Maillet : Quand j’étais au Bataclan, dans la loge, je me suis raccroché à ça, parce que je n’avais pas d’autre solution. J’ai fait toutes les écoles catholiques du nord. 

Qu’est la mort pour vous ?

Thierry Maillet : La peur du vide fait peur. J’ai échappé plusieurs fois à la mort. J’étais en 1986 dans le RER A entre Châtelet et la gare de Lyon, y a eu 15 pains de plastic, seul le détonateur a explosé. Au Bataclan, j’ai également senti la mort de près. Imaginez que vous êtes dans le Pacifique, vous nagez, un aileron de requin tourne autour de vous. Vous savez qu’il est là mais pas quand il va attaquer. C’était mon sentiment avec ces terroristes qui étaient au-dessus où j’entendais parler, tirer. Je me demandais quand mon tour viendrait. J’ai pris l’initiative de fermer la loge, il y avait 30 personnes avec moi. Avec le recul, c’était une bonne décision, mais elle aurait pu être très mauvaise. S’ils avaient forcé à la kalashnikov, il y aurait eu 30 morts de plus. J’en suis très content. En me sauvant j’ai aussi sauvé des gens.

En avez-vous parlé avec votre fils ?

Thierry Maillet : Alexandre est celui qui doit être le plus touché. Il a eu 20 ans. On n’en parle jamais, alors que j’en parle ouvertement. Au début, j’allais voir les agents de voyages et je sentais qu’ils m’écoutaient mais qu’ils avaient envie d’autre chose. Au bout d’un moment je leur demandais s’ils avaient des questions et je répondais. Ils étaient embêtés. Ça a choqué tout le monde.

Je n’oublierai jamais, je dors très peu.

Comment appréhendez-vous la suite de votre vie ?

Thierry Maillet : J’essaie de passer à autre chose. Au tribunal, il y a une jeune fille de 18 ans à l’époque, 6 de plus aujourd’hui, elle n’a jamais repris le travail. Elle s’est mise à picoler deux bouteilles par jour, ce qu’elle a raconté. Je n’oublierai jamais, je dors très peu, j’ai des nuits saccadées. Je suis retourné trois fois au Bataclan. Il ne faut pas en faire un musée. 90 personnes ont perdu la vie, mais ils étaient dans un lieu festif et se sont amusés. La mairie de Paris a racheté, il faut continuer à organiser des concerts. 

Le bonheur, c’est quoi ?

Thierry Maillet : Il paraît que c’est dans le pré. C’est d’avoir beaucoup d’amis, c’est d’être libre. La liberté. Avoir ses proches en bonne santé. C’est aussi se marrer. Le bonheur, c’est partager un déjeuner et rire.

Avez-vous des regrets ou des remords ? Si vous aviez quelque chose à changer dans votre vie, que feriez-vous ?

Thierry Maillet : On peut tous avoir des regrets. Pendant que j’étais dans la loge à attendre mon sort, je me suis dit « qu’est-ce que je fous là ? ». Mais je ne suis pas quelqu’un à avoir des regrets, j’assume tout. Je suis plus méfiant sur l’avenir : les faux amis, les faux semblants, les gens par intérêt, ceux que je gêne par mon professionnalisme. Des patrons m’ont dit que j’avais du charisme. Je ne me sens pas mieux que les autres mais si je peux faire passer des messages de joie, de liberté et de voyage… Voyagez, prenez l’avion, appréhendez la culture de l’autre avec beaucoup d’amour. J’ai encore plein de choses à découvrir, je ne connais pas l’Egypte, ni tous les Etats-Unis. Ce n’est peut-être pas bien mais j’ai tendance, quand j’apprécie une destination, à y retourner, comme Los Angeles. Avec ma grande amie Murielle Nouchy, je peux repartir dès demain à LA.

3 commentaires
  1. GERARD DORY dit

    les rencontres avec Thierry quand il venait dans mon agence de Nancy était un pur bonheur , merci à toi mon ami pour tout ce que tu as amené et tout ce que tu es .Ne change rien on t’aime

  2. Frank Bosteels dit

    Merci pour cette belle interview et pour ton témoignage très touchant Thierry. Heureux de lire que cette catastrophe n’a pas entamé ta joie de vivre ni ce bonheur que tu communiques avec tellement de générosité autour de toi. Bon vent!

  3. Thierry Maillet dit

    Pour info, e ne suis pas directeur commercial !

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