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Surtourisme : « Le problème, c’est une suroffre, pas une surfréquentation »

La très médiatique thématique du surtourisme était au menu des débats lors de la convention des EDV Île-de-France en Slovénie. Le consultant Jean Pinard n’y est pas allé avec le dos de la cuillère.

« J’ai l’impression qu’Olivia Grégoire (ancienne ministre déléguée du Tourisme, Ndlr) a découvert l’angle de rotation de la terre, 23,4° » a commencé par dire Jean Pinard. Et d’expliquer que c’est cet angle de rotation de la terre qui génère « les saisons qui entraînent de la surfréquentation ». « Cela me stupéfait que l’on découvre ça d’un coup et qu’on doive en faire le sujet à régler dans le tourisme » ajoute-t-il.

De façon ironique, l’ancien directeur du Comité régional du tourisme et des loisirs d’Occitanie invite Olivia Grégoire à passer ses vacances de la Toussaint à la Grande Motte, « la mer est à 13°, la nuit tombe à 17h00, et évidemment qu’il y a moins de monde qui a envie de venir à cette saison qu’au mois de juillet ».

Lionel Rabiet (président des EDV IDF), Valérie Boned (présidente des EDV), Virginie Faivet (présidente de CPM78), Jean-Pierre Mas (médiateur du Tourisme), Emmanuelle Llop (présidente des Femmes du Tourisme) et le consultant Jean Pinard sont intervenus lors de la convention des EDV Île-de-France en Slovénie.

La cathédrale de Mexico, un tapis roulant pour réguler les flux

Le consultant ne peut nier les évidences, « 40% des entreprises ferment leurs portes au mois d’août, laissant finalement peu de choix aux salariés quant à leurs dates de vacances ». « Vous l’avez compris, le sujet du surtourisme, c’est comme le métro qui est bondé à 8h00 le matin et 18h00 le soir ». Entre les deux, il y a de la place. Le maître mot serait donc la régulation. Un principe qui n’est pourtant pas nouveau. « A la cathédrale de Mexico, qui est l’une des plus visitées d’Amérique centrale, il y a un tapis roulant pour la découvrir. Plus il y a de monde, plus le tapis roulant va vite. C’est une solution comme une autre pour réguler », observe le spécialiste du tourisme.

L’Index d’Evaneos, « une stupidité rare »

Avec Jean Pinard, inutile de stigmatiser le voyageur, « il n’y a pas de bons et de mauvais touristes ». En verve lors de cette convention des EdV Île-de-France, le spécialiste a aussi jugé « d’une stupidité rare » l’Index du surtourisme de la plateforme Evaneos établissant un palmarès des destinations « à risque », « à surveiller » ou bien « préservées » du tourisme de masse. « Ils pensent que là où il y a concentration, ce n’est pas durable. Moi je démontre le contraire », assure le consultant. Et d’illustrer son propos en évoquant la côte languedocienne, la plus fréquentée et paradoxalement celle qui possède le plus de Pavillon bleu (label valorisant les communes et les ports de plaisance qui mènent une politique de développement touristique durable) en Méditerranée. « Les élus ont fait leur boulot pour que cela ne pollue pas », affirme Jean Pinard.

Une offre à calibrer

Autre coup de griffe, celui adressé à Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde, qui écrit que « le surtourisme, c’est la mort du tourisme ». « Je voudrais bien savoir en quoi les clients qu’il envoie à Venise ne sont pas des surtouristes comme les autres », s’interroge Jean Pinard, estimant qu’il y a « suffisamment de tourisme bashing pour que l’ensemble des acteurs de la profession soient solidaires et ne se tirent pas des balles dans les pieds ». « N’opposons pas les styles de vacances et la manière dont chacun appréhende et construit son imaginaire de vacances. Il n’y a pas de jugement à porter. »

Pour Jean Pinard, « le problème du surtourisme, c’est une suroffre, pas une surfréquentation ». Et d’étayer ses dires par l’exemple de Barcelone, ville possédant une offre pléthorique de logements Airbnb. « C’est aux élus de faire en sorte qu’il n’y en ait pas autant afin de limiter le nombre de touristes ». L’offre doit donc être calibrée.

« La capacité d’accueil de la Grande Motte, c’est 100 000 lits touristiques. Et quand il y a 100 000 personnes sur cette destination, il n’y a pas de surtourisme. De la même manière que lorsqu’il y a 100 000 personnes à un concert, il n’y a pas de surfréquentation car cela a été prévu pour cela », conclut Jean Pinard soucieux d’éviter « le raccourci entre surtourisme et tourisme de masse ».

« Les voyageurs comprennent de mieux en mieux la nécessité de gérer les flux »

En introduction de cette matinée de réflexion au centre ROG LAB de Ljublajana, Linda Lainé, rédactrice en chef de L’Echo touristique et auteure d’un livre sur le sujet (« Voyage au pays du surtourisme » aux éditions de l’Aube), considère elle aussi que « le surtourisme n’est pas une fatalité ». Des mesures peuvent bien sûr être prises. D’autant plus que « les voyageurs comprennent de mieux en mieux la nécessité de gérer les flux ». A charge, pour les professionnels, de bien accompagner les voyageurs en les informant des réservations obligatoires, mais aussi en fléchant vers des destinations « moins fréquentées, moins instagramées ».

Linda Lainé a notamment cité l’exemple de Notre-Dame de Paris qui s’attend à « accueillir deux fois plus de visiteurs que le Château de Versailles alors que la cathédrale possède dix fois moins d’espaces ». Après cinq ans de travaux, le monument devrait rouvrir ses portes le 8 décembre prochain avec la quasi obligation de réserver pour pouvoir le visiter. « C’est juste du bon sens », ajoute-t-elle. Et autrement « plus démocratique » que la taxe à Venise, de 5 euros, appliquée 29 jours par an auprès de certains publics.

Une jauge au Louvre

« Venise ne régule pas, si ce n’est par le porte-monnaie. Il aurait été plus démocratique d’imposer une jauge : une résa obligatoire et gratuite ! Mais il faut avoir du courage politique pour dire, stop, je ne veux plus davantage de touristes pendant l’été. »

Autre initiative, le musée du Louvre, musée le plus visité au monde, qui a accueilli 10 millions de visiteurs en 2019. Alors que sa capacité initiale était de 4 millions de visiteurs par an, la direction a pris conscience « d’une dégradation de la qualité de la visite », et a donc instauré « depuis 2022 une jauge de 30 000 visiteurs par jour », explique Linda Lainé.

Donnant sa réaction en aparté, Guy Zekri, directeur général Beachcomber Tours, affirme que « le surtourisme est facile à régler au Louvre, il suffit d’ouvrir à 8h00 le matin et fermer à minuit au lieu de 18h00 ». Autre aberration, la fermeture le mardi « à cause des syndicats ». « Aux Etats-Unis, les musées sont ouverts tous les jours » précise Guy Zekri.

« Le surtourisme est un problème politique »

Jean-Pierre Mas, médiateur du Tourisme et du voyage, y est aussi allé de son analyse. « Le surtourisme, dit-il, c’est un mot à la mode qui se limite à deux choses : lorsque la nature ne peut pas supporter la fréquentation du tourisme comme c’est le cas dans les calanques de Marseille ou la plage de James Bond en Thaïlande ; et c’est quand la population locale ne peut plus supporter la fréquentation touristique, à l’image de Barcelone ». Pour l’ancien président des Entreprises du Voyage, « le surtourisme est un problème politique qui relève des autorités locales. Ce sont elles qui détiennent la solution ».

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