Retrouvez l'actualité du Tourisme pour les professionnels du secteur tourisme avec l'Echo Touristique : agences de voyages, GDS, prestataires spécialisés, voyagistes

Surcharge carburant : quelles règles s’appliquent dans le voyage, selon Emmanuelle Llop

Compte tenu de la hausse du prix du carburant, quelles sont les règles à suivre entre professionnels ? Et vis-à-vis des clients ? Me Llop, experte en matière de droit du tourisme, fait le point dans une interview pour L’Echo touristique.

Dans le cadre d’un forfait, le vendeur peut-il réviser le prix à la hausse en intégrant une surcharge carburant. Si oui, dans quelles conditions ?

Emmanuelle Llop : La période est une nouvelle fois à la hausse du prix du baril. Nul ne peut l’ignorer. Mais dans notre secteur, l’ampleur de la hausse n’est pas une raison pour oublier les règles juridiques qui s’appliquent. Le prix du carburant est une des composantes du coût du transport et sa hausse – ou sa baisse – peut être prise en compte pour réviser le prix des forfaits. Il ne s’agit pas d’une obligation en matière de contrats de voyage car pour tenir compte de la variation du prix du transport, il faut que les contrats comportent une clause expresse sur le sujet.

Comment procéder à cette révision du prix, et dans quel délai ?

Emmanuelle Llop : Le Code du Tourisme a rendu accessible au B2C la clause de révision des prix, qui est en soi une atteinte au principe de l’intangibilité du prix contrat conclu. Les exceptions qui permettent de revenir sur un prix convenu sont en effet rares en droit ; c’est une illustration de ce que l’on nomme la sécurité juridique. Normalement, on trouve plutôt ce type de clause dans les contrats d’approvisionnement en énergie ou en matières premières, notamment internationaux et, plus près de notre secteur, dans les contrats d’affrètement.

En B2C donc, le professionnel vendeur du forfait peut en revoir le prix jusqu’à 20 jours du départ s’il a pris la précaution de le prévoir dans le contrat lui-même et non pas seulement dans ses CPV par exemple. Le prix du transport qui inclut le prix du carburant – ou d’autre sources d’énergie d’ailleurs – peut être majoré à la condition de prévenir le voyageur par écrit, clairement, en justifiant la hausse et la méthode de calcul utilisée, quel que soit le montant de cette hausse. La réduction du prix en cas de baisse des coûts doit être également indiquée sur le contrat.

Une clause de révision non-prévue et non-acceptée expressément avant d’acheter les vols n’est pas applicable.

Donc, si la clause de révision n’est pas prévue au contrat, le client peut la refuser…

Emmanuelle Llop : Une clause de révision non-prévue et non-acceptée expressément avant d’acheter les vols n’est pas applicable : vérifiez vos contrats d’affrètement si vous en concluez, discutez ou refusez la hausse du prix qui se traduit souvent par une « hausse de la taxe carburant » sans autre explication sur vos factures.

C’est pourquoi idéalement les compagnies doivent aussi respecter le droit des contrats, veiller à l’acceptation de la possibilité de la hausse de leurs billets tant qu’ils ne sont pas émis et dans un délai correct avant le départ et enfin, prendre soin de justifier le calcul de la hausse de manière intelligible.

Existe-t-il un plafond à respecter concernant cette hausse ?

Emmanuelle Llop : Si la hausse est supérieure à 8%, le professionnel doit obligatoirement prévenir son client du choix qui lui est offert soit d’accepter la hausse, soit de la refuser dans un délai raisonnable qu’il fixe et dans ce cas, de résilier son contrat sans frais. Il ne faut pas oublier de prévenir le client des conséquences de son absence de réponse dans le délai fixé, qui ici entrainerait son acceptation de la hausse ou l’application des frais d’annulation s’il annule trop tard.

Autrement dit, une hausse inférieure à 8% ne peut pas être refusée par le client, sauf à ce qu’il paie les frais d’annulation contractuels s’il préfère annuler son contrat.

Le prix d’un billet émis ne peut être augmenté.

Que se passe-t-il si le client refuse la hausse supérieure à 8% ?

Emmanuelle Llop : Si le client refuse la hausse supérieure à 8% et se manifeste dans le délai imparti, il a en revanche droit au remboursement de son contrat sans frais et sous 14 jours au plus tard.

L’une des difficultés pour les agences et les tour-opérateurs est qu’ils reçoivent l’information sur la hausse de la part des compagnies de manière circulaire et impersonnelle, parfois au-delà du délai de 20 jours et sans avoir le choix (en apparence) de la refuser. Nous sommes ici en B2B et comme je le rappelle souvent, l’existence d’un contrat de fournitures s’avère utile notamment à propos de la révision du prix : entre agence et TO par exemple, il est utile de prévoir un délai de prévenance supérieur à 20 jours afin que l’agence ait le temps de respecter sa propre obligation vis-à-vis du voyageur. Mais la hausse entre agence ou TO et compagnies n’est donc pas automatique. Ne serait-ce que parce que certaines compagnies ont effectué des achats de kérosène anticipé ou disposent de stocks.

Et pour les vols secs, pas de hausse possible après l’émission du billet ?

Emmanuelle Llop : Le prix d’un billet émis ne peut être augmenté, ai-je besoin de le rappeler. C’est pourquoi on n’évoque pas la clause de révision de prix en cas de vente de vol sec. On ne va pas rappeler un client à qui on a vendu un billet sec pour lui demander un petit supplément !

Si la hausse est possible en B2B, je conseille donc de demander au transporteur les justificatifs précis du calcul, qui doivent correspondre à la clause prévue au contrat (affrètement ou achat-sièges) : coût du baril initial, méthode de calcul, dates etc. Ces justificatifs seront utiles pour expliquer la hausse au voyageur ensuite.

Quant à la nature de la hausse sur les carburants, que ce soit en B2B ou en B2C, il est important de rappeler qu’il ne s’agit pas d’une taxe, quel que soit le code qu’on lui attribue : le prix du carburant fait partie du coût du transport, selon le Code du Tourisme (article L.211-12) mais également selon la réglementation européenne sur les tarifs des passagers (Règlement européen 1008-2008 article 23). Les taxes sont des impôts collectés à l’occasion de l’embarquement et sont obligatoires : elles doivent être remboursées si le passager n’embarque pas. Le coût et les suppléments carburant font partie du tarif définitif et suivent le régime du billet. Les séparer du tarif de base donne peut-être une illusion de prix plus bas à la vente mais ce n’est qu’une illusion.

A lire aussiGuerre en Ukraine : les conseils d’Emmanuelle Llop

Laisser votre commentaire (qui sera publié après moderation)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Dans la même rubrique