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Pétition anti-croisières : Marseille s’explique

Cet été, la ville de Marseille a lancé une pétition contre la pollution maritime, qui vise en particulier les paquebots. Laurent Lhardit, maire adjoint en charge du tourisme durable, s’explique sur les positions de la mairie et détaille ses objectifs.

Mardi 19 juillet 2022, la mairie de Marseille a lancé une pétition en ligne. « Marseillaises, Marseillais, mobilisons-nous contre la pollution maritime », lance la municipalité, tout en publiant la photo d’un vieux bateau crachant une fumée noire. Puis, la photo a été changée. Désormais, c’est un paquebot qui rejette cette fumée noire… Dans la vidéo qui l’accompagne, le maire PS de Marseille Benoît Payan dénonce « les bateaux de croisières qui salissent, qui crachent leur fumée, sur nos rives, en toute impunité. Et ça, ce n’est plus possible. Ce sont des villes flottantes ». Evoquant un « scandale », il souhaite « interdire aux bateaux les plus polluants de faire escale les jours de pollution ». Nous avons interviewé Laurent Lhardit, maire adjoint en charge du tourisme durable de Marseille… Premier port de croisières en France, avec des compagnies comme MSC et Costa.

Marseille : « Pour les croisières, il n’y aura pas de rupture, juste une transition »
Laurent Lhardit, maire adjoint en charge du tourisme durable

L’Echo touristique : Qu’est-ce qui a décidé la mairie de Marseille à lancer cette pétition ? Est-ce un coup politique ou une étude scientifique sur la pollution ?

Laurent Lhardit : Nous avions deux objectifs : partager le constat avec les Marseillais sur la pollution portuaire et maritime, et défendre notre projet écologique sur lequel nous avons été élus en 2020. Juillet et août ont été une période de pic, à la fois en raison de la fréquentation des bateaux et de la canicule.

Avec un peu plus de 50.000 signataires au 31 août, dans une ville de près de 900.000 habitants, considérez-vous que cette pétition est un succès ?

Laurent Lhardit : A nos yeux, oui, car plus de 15% de la population adulte ont signé. Nous allons la laisser prospérer et la soumettre à l’OMI (Organisation Maritime Internationale) à Londres, à l’automne.

Pour 2025, l’OMI a validé que la mer Méditerranée devienne une zone SECA (Sulphur Emission Control Area), ce qui obligera tous les bateaux à utiliser un combustible à 0,1% de souffre. Que réclamez-vous de plus ?

Laurent Lhardit : Il était temps que la Méditerranée soit concernée par cette réglementation, qui est déjà appliquée partout ailleurs. Nous aimerions que cette obligation soit appliquée dès 2024, et surtout, nous allons lancer les négociations pour que la Méditerranée devienne une zone ECA (Emission Control Area), qui obligera les bateaux, en plus, à utiliser des moteurs beaucoup moins émetteurs d’oxyde d’azote. Ce sera certes plus facile à respecter pour les navires neufs. Ces négociations risquent de durer plusieurs années.

Limiter la fréquentation à quatre paquebots par jour en été, c’est réalisable, en cas de forte pollution.

Certains ferries sont déjà branchés électriquement à quai et les paquebots utilisent déjà du combustible moins souffré, voire du Gaz Naturel Liquéfié. Qui combattez-vous en fait ?

Laurent Lhardit : On ne nie pas les progrès déjà réalisés, mais l’urgence est là. Notre discours est de reconnaître les efforts de chacun et d’aller plus vite et plus fort ensemble. L’action publique peut aider à cette transition énergétique. La mairie a décidé d’abonder à hauteur de 10 millions d’euros au plan régional « Escale zéro fumée ». Cette somme servira à l’électrification des infrastructures portuaires, que ce soit dans le cadre de la réparation navale ou pour les ferries du Maghreb, qui sont des modèles économiquement fragiles.

Est-ce réalisable d’interdire les escales des navires les plus polluants pendant les pics de pollution sur la ville, comme le demande le maire ?

Laurent Lhardit : Nous allons renforcer les contrôles dès la rentrée, via la préfecture maritime, et via l’envoi de drones au-dessus des cheminées, qui vont analyser la qualité du carburant utilisé pendant l’approche et en manœuvre. Limiter la fréquentation à deux paquebots par jour, à quatre en été, c’est réalisable, en cas de forte pollution. C’est pour cela que nous pressons les autorités portuaires à accélérer l’électrification à quai des gros paquebots, dès début 2025. Pour les croisières, il n’y aura pas de rupture, juste une transition.

En accord avec les annonces gouvernementales sur la sobriété énergétique, il est temps d’appuyer sur le champignon et de renverser la vapeur.

Pourquoi contestez-vous le poids des retombées économiques liées aux croisières, estimé à 60 millions d’euros pour Marseille ?

Laurent Lhardit : L’étude réalisée en 2017 me paraît fantaisiste. Je ne crois pas que 1,6 million de passagers dépensent 50 euros à Marseille. Ils ne descendent pas tous à l’escale, restent trop peu de temps en ville, et ne réservent pas toujours un hôtel. Dès l’année prochaine, nous allons mener une enquête détaillée avec l’Office de tourisme, que nous reprenons dans notre compétence, et les compagnies de croisières. L’électrification à quai, couplée avec des escales de deux jours, permettraient aux passagers de davantage consommer en ville et dans les environs.

Selon Atmo Sud, les émissions de dioxyde d’azote des paquebots représentent 30% des émissions du trafic maritime sur Marseille, derrière les véhicules routiers. Quel serait votre objectif ?

Laurent Lhardit : Personne n’est jamais d’accord sur les chiffres. Notre objectif, c’est d’appliquer un principe de précaution et de définir un baromètre rigoureux. Au final, nous voulons que les activités du port aient une contribution positive au projet européen de décarbonation d’ici 2030. Marseille est l’une des cent villes retenues pour être neutres en carbone. En accord avec les annonces gouvernementales sur la sobriété énergétique, il est temps d’appuyer sur le champignon et de renverser la vapeur.

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