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Le tourisme de niche fait son nid

Le constat : Le secteur du tourisme poursuit sa consolidation. L’industrialisation n’empêche pas des opérateurs de niche de tirer leur épingle du jeu.Le contexte : Voyages sur mesure, service, écoute… les spécialistes répondent à la quête de différenciation et de sens.L’enjeu : Les opérateurs de niche, souvent des PME ou des TPE, peuvent-elles, seules, développer une activité rentable sur le long terme ?

Découvrir la faune et la flore du Languedoc Roussillon en compagnie d’un chercheur du CNRS, traquer les animaux en Tanzanie avec les conseils d’un photographe professionnel, profiter d’un week-end dans le Médoc pour s’initier aux plaisirs de l’oenologie, faire le tour de la Corse en moto avec la logistique d’un tour-opérateur, partir en circuit organisé avec son camping-car ou au Rajasthan avec un conférencier émérite… À l’heure où les clubs de vacances raflent la mise en brochure et déchaînent la concurrence entre voyagistes, il y a de la place, aussi, pour un tourisme plus confidentiel, affaire de spécialistes voire d’artisans. Ces derniers sont souvent de petits opérateurs, mais n’en sont pas moins de vrais professionnels. Et ils prospèrent, pour la plupart d’entre eux, loin des pratiques industrielles des grands groupes, portés par une demande grandissante pour des voyages différents, personnalisés, à forte valeur ajoutée. « L’industrie du tourisme s’est concentrée autour de quelques pôles majeurs, ce qui n’empêchera pas, régulièrement, de voir de nouveaux créateurs émerger… et heureusement », faisait remarquer Jean-Paul Chantraine, président d’Asia, en décembre 2009 lorsque L’Écho touristique l’avait interrogé, ainsi que quelques autres patrons du tourisme, sur sa vision du secteur dans cinq ou dix ans. Si tous s’accordent à penser que la consolidation est inéluctable et que 75 % du marché seront aux mains de deux ou trois grands groupes d’ici à 2015, 25 % se repartiront entre une myriade de spécialistes ou d’hyperspécialistes. « La production de niche est une piste d’avenir, juge Emmanuel Foiry, président de Kuoni France. Mais attention, il faudra du très pointu, genre pêche à la mouche, pour pouvoir justifier son existence. ». Cette bipolarisation, avec acteurs industriels d’un côté et opérateurs de niche de l’autre, est une tendance lourde, vraie dans tous les secteurs économiques, et pas seulement sur le marché français. Aux États-Unis, on parle ainsi de « Special Interest Travel » pour désigner les microniches du voyage. Sans forcément pousser la spécialisation à outrance, le choix d’un positionnement affirmé et exclusif, qu’il privilégie le culturel, l’aventure, l’animalier, l’écotourisme, est gage de différenciation.

MOINS D’UN MILLION DE CHIFFRE D’AFFAIRES

Un esprit d’initiative et un particularisme que l’ Association professionnelle de solidarité du tourisme (APS) récompense d’ailleurs chaque année, depuis 1997, au travers de son Challenge du nouvel entrepreneur. Parmi les lauréats, des créateurs d’entreprise « avec un projet dynamique et sérieux, novateur et original », dont certains ont creusé leur sillon depuis : Saïga (voyages naturalistes), Trail Rando (randonnées et expéditions motorisées), Terra Nobilis (voyages culturels), Aguila Voyages (voyages et stages photos accompagnés par des pros) ou encore Oasis Voyages (voyages « en conscience », spirituels et initiatiques). Ce sont de très petites entreprises pour la plupart, réalisant encore moins de 1ME de chiffre d’affaires pour certaines, avec une poignée de clients, mais dont le potentiel de développement est avéré. À condition de rester légitimes sur leur territoire de marque, avec une créativité qui ne doit pas se démentir, et de se doter aussi, bien sûr, des outils technologiques adéquats. « 90 % des produits touristiques vendus sur le marché sont standardisés, analyse Michel Olivier, directeur général d’Intermèdes, spécialiste du voyage culturel. Notre atout est la personnalisation et notre capacité à coller au plus près et au mieux à des demandes de plus en plus pointues. » Le voyagiste qui fonde son expertise sur une gestion de la relation client ultrafine, aidé par Internet et un outil de CRM adapté, ne cesse donc de chercher les meilleures combinaisons possibles de produits sur chaque segment de sa programmation en croisant les remontées de ses clients voyageurs, très fidèles, une constante chez les producteurs spécialisés. C’est ainsi qu’il vient de développer, en partenariat avec Allibert, spécialiste du trekking, une nouvelle gamme baptisée Sentiers des arts, soit une programmation de randonnées culturelles. « Nous passons beaucoup de temps en études et réflexions pour comprendre les attentes en jachère. Cela peut ne concerner que 500 pax, ce qui est incompatible avec une logique industrielle. Mais c’est justement le coeur de notre métier », poursuit Michel Olivier.

DES VOYAGES ORIGINAUX POUR TOUS

Au-delà des études de marché, la manière d’exercer ce métier est souvent le fruit d’une passion. Ainsi Guy de Saint-Cyr a créé Aventures et Volcan… il y a vingt-cinq ans. Ou d’une intuition. Quand Escursia a été fondée, en 2003, pour se lancer sur le créneau du tourisme scientifique, ses fondateurs, les deux jeunes lillois Olivier Pollet et Nicolas de Saintignon, étaient convaincus que les voyages naturalistes autour de thèmes axés principalement sur la flore, la faune et l’environnement allaient trouver un public. Bingo ! Même s’il a fallu, en sept ans, refaire un tour de table, étoffer la programmation (plus de 80 produits, 14 thématiques aujourd’hui), notamment autour de partenariats inédits avec le Muséum d’histoire naturelle et dernièrement le CNRS. Et surtout retravailler la communication avec un nouveau slogan plus accrocheur et grand public « Voyager curieux ». « Nos voyages ne sont pas réservés à des spécialistes ni à des scientifiques, explique Olivier Pollet. Ils sont originaux et pédagogiques car organisés avec des chercheurs, des naturalistes, des botanistes mais ouverts à tous, petits et grands et aux familles, auxquelles le concept plaît beaucoup. Et nous avons veillé à être abordables. » De quoi lancer, en 2010, une offensive en direction des agences de voyages dont Escursia (affilié au Cediv) commençait à recevoir des appels du pied. « Comme beaucoup de spécialistes, poursuit le dirigeant, nous nous commercialisons principalement en direct via un site Internet et recrutons beaucoup par le bouche à oreille. Mais nous sommes convaincus qu’il y a un potentiel de développement avec la distribution classique, très en demande de produits originaux, à forte valeur ajoutée. » Azeva, qui regroupe dans un pôle Svalbard Nature, pour les séjours arctiques au Spitzberg et au Groenland, et Hommes et Montagnes, pionnier du tourisme d’aventure dans l’arc saharien, est dans la même démarche pour équilibrer, à terme, sa distribution entre ventes directes et indirectes.

ENTHOUSIASTES ET DYNAMIQUES

Même s’il faut pour cela impérativement « passer par de la formation », concède Sylvain Philips, directeur général d’Hommes et Montagnes. « Les produits de niche sont plus difficiles à vendre que d’autres car ils demandent plus d’expertise, de temps aussi », reconnaît-il. Malgré cet écueil, Ikhar, spécialiste du voyage culturel haut de gamme, reste persuadé que l’industrialisation du secteur est une chance pour les spécialistes. « Les agences ont encore plus besoin de ce que nous pouvons leur apporter », analyse Antoine Paucot, PDG du TO. Et d’avancer, à l’appui, le taux de progression de ses ventes dans la distribution classique en 2009 (alors qu’il bénéficie d’un seul référencement, avec Thomas Cook) : +57 % dans une activité globale en retrait de 10 %. « Au-delà de l’originalité et de la qualité de nos produits, nous apportons un service, une écoute, un contact humain que les agences ne trouvent plus dans les grands groupes. » Tout en sachant que cela ne dispense pas d’être à niveau du point de vue technologique. « Il ne suffit pas de rester dans la niche et d’attendre », conclut Antoine Paucot. Un dynamisme et un enthousiasme partagés par tous les créateurs de TO spécialistes.

Aux États-Unis on parle ainsi de « Special Interest Travel »

Pour se lancer dans le tourisme de niche, il faut avoir une passion… ou une très forte intuition

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