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Le Machu Picchu croulera bientôt sous le poids du tourisme

La construction d'un nouvel aéroport au Pérou, plus près du site du Macchu Picchu, menace l'équilibre de la région et devrait aggraver la surfréquentation.

C'est le symbole d'un développement touristique mal contrôlé. Il y a 25 ans, visiter le sanctuaire du Machu Picchu était un privilège réservé à quelques passionnés, avec moins de 70 000 visites par an. Aujourd'hui, le site dépasse souvent les 2500 visites par jour, limite fixée par l'Unesco pour le protéger des risques d’érosion et de glissements de terrain, et approche du million de visiteur par an. Demain, la construction d'un nouvel aéroport, plus proche du site et bien plus grand, pourrait attirer jusqu'à trois millions de personnes par an. Au risque de transformer le Machu Picchu en parc d'attraction.

Dans la région, 70% des voyageurs viennent pour visiter le Macchu Picchu

Ce projet, annoncé en 2012 par le président de la République du Pérou, Ollanta Humala, est déjà en route. Les terrains ont été achetés et plusieurs entreprises, notamment françaises, sont en lice pour l'appel d'offres. En 2018, le nouvel aéroport situé entre Cuzco et le Machu Picchu, dans la vallée de Chinchero, pourra accueillir les vols internationaux, ce qui évitera aux touristes de passer par Lima, la capitale, puis de prendre un avion vers Cuzco ou de s'y rendre en train ou en car.

En 2025, les autorités visent plus de cinq millions de passagers par an, contre deux millions dans l’aéroport actuel. Or plus de 70% des voyageurs qui se rendent dans la région viennent pour visiter le Machu Picchu.

Le site, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité en 1983, ne pourra que se dégrader sous cet afflux de touristes, qui passeraient donc 1 à 3 millions en un peu plus de 10 ans. Mais l'ampleur des dégâts dépendra du pouvoir de persuasion de l'Unesco. L'institution publie chaque année un rapport sur la situation du Machu Pichu. Et tous les ans, elle déplore que l’Etat péruvien n’ait pas mis en place les mesures demandées.

Dans son dernier rapport, le Centre du patrimoine mondial exprime ainsi "ses préoccupations quant aux conditions qui constituent une menace pour la valeur universelle exceptionnelle du bien et qui, au cours des 14 dernières années, n’ont pas été traitées pour l’essentiel, avec de nombreux projets d’actions toujours au stade de la planification ou mis en œuvre seulement de façon partielle".

L'Unesco pourrait décider de mettre le site sur la liste des monuments en péril

"C’est un site mixte très complexe dans une région naturelle vulnérable et qui est soumis à une très forte pression touristique, paradoxalement en raison de son succès, explique Cesar Moreno Triano, responsable de programme au Comité. Les défis et les difficultés sont multiples. Certains problèmes se sont renforcés et d’autres sont apparus : la pression urbaine, avec la multiplication des constructions dans le village d’accès au site et la gestion et le contrôle des flux touristiques.

Si les menaces se renforcent et que le site risque de perdre sa valeur universelle exceptionnelle, le Comité peut décider d’inscrire Machu Picchu sur la liste des sites en péril. Il ne s'agit pas d’une sanction, mais d'une manière d’assurer un suivi permanent et une assistance renforcée à l’État partie". De fait, l’Unesco n'a aucun pouvoir de contrainte et ne peut qu'inciter les Etats, à force de travail, à agir. 

Des visites organisées limitées à 3h et des parcours balisés

D'après Daniel Maravi, directeur régional du développement économique de Cuzco, interrogé par Terra Economica, la limite de fréquentation pourrait toutefois être multipliée par trois avec "quelques aménagements", comme des visites organisées limitées à trois heures et des parcours balisés qui éviteront les terrasses les plus fragiles. Cette organisation atténuerait l'impact des millions de chaussures mais ne règlerait pas la question de l'équilibre économique, social et environnemental de la région.

Equilibre économique, social et environnemental

Ce projet s'accompagnera en effet du développement de routes, de commerces et d'hôtels, à proximité de l'aéroport de 350 hectares et jusqu'au pied du Machu Picchu. Or l'impact environnemental de ces projets n'a pas été pris en compte.

Quant à l'impact économique, estimé à plus de 5 milliards de dollars par an, il risque de rester théorique pour une grande partie de la population. A Cuzco, la plupart des grandes sociétés touristiques sont détenues par des étrangers ou des riches familles de la capitale. Seules 20% à 25% des entreprises de tourisme du centre-ville sont détenues par des Péruviens. L'afflux de devises étrangères devrait donc peu profiter aux habitants de la région, qui trouveront toutefois des emplois peu qualifiés et souvent précaires ou saisonniers.

Il pourrait en revanche conduire au renchérissement du coût de la vie et du foncier et à la disparition de certaines activités traditionnelles comme l'agriculture vivrière. Ces phénomènes, observés dans nombre de destinations touristiques en forte croissance -en particulier dans les pays en développement- sont très rarement pris en compte par les gouvernements ou les opérateurs touristiques dans leurs plans de développement.

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