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La retraite, c’est d’abord une question de salaire

Les faits : La réforme des retraites entérine le report de l’âge légal de départ de 60 à 62 ans et de l’âge minimum pour la percevoir à taux plein de 65 à 67 ans.Le contexte : Le secteur se préoccupe d’avantage du niveau des pensions, lié aux bas salaires, et qui risque de baisser avec la réforme.L’enjeu : Revenus supplémentaires, cession de fonds de commerce ou investissement immobilier sont considérés comme des indispensables.

La réforme des retraites a été votée par le Parlement le 27 octobre. Sauf motif d’inconstitutionnalité relevé par le Conseil constitutionnel, qui se donne jusqu’à fin novembre pour statuer sur le recours déposé par le Parti socialiste, l’âge légal de départ à la retraite passera de 60 à 62 ans. Pour bénéficier du taux plein, la durée de cotisation sera progressivement portée de 40,5 à 41,5 ans et l’âge minimum sera 67 ans contre 65 aujourd’hui. Le monde du tourisme paraît résigné à ce surcroît de travail. Mais il s’inquiète du niveau des pensions et des salaires, les patrons comptant, eux, sur la cession de leurs fonds de commerce pour conserver leur niveau de vie. « Le secteur est d’avantage préoccupé par l’évolution du marché, les conditions de travail ou les salaires que la retraite, annonce Valérie Boned, directrice des affaires juridiques et de la formation au Syndicat national des agents de voyages (Snav). Nous avons rencontré les syndicats à trois reprises en deux mois, mais le sujet n’a jamais été évoqué. » « Les syndicats ont peu de poids. Il est difficile de mobiliser et de se faire entendre, rapporte Jean-Luc Létisse, délégué syndical central Force ouvrière (FO). De plus, il n’y a pas de problématique particulière au secteur, pas de dispositif spécifique qui soit mis en péril ni de question de pénibilité ». Fermez le ban ? Pas tout à fait.

D’AUTRES INQUIÉTUDES

Les professionnels du tourisme, qui travaillent majoritairement dans des structures de moins de 50 salariés, se sont peu mobilisés. Mais quelques grévistes, dans des entreprises telles qu’American Express ou Thomas Cook, ont tout de même manifesté. Aux retraites, se sont en effet agrégées d’autres inquiétudes qui concernent tous les salariés : « Le vrai problème, c’est qu’on ne sait pas si on va y arriver, à la retraite », explique l’un. « Il y a une stratégie derrière tout ça, casser la retraite par répartition », explique un autre. « On nous fait payer les pots cassés alors que ce sont les banques qui ont foutu le bordel », s’emporte un directeur commercial. En 2006, le déficit du système de retraite était de 2,2 MdsE ; en 2008, il atteignait 10,9 MdsE; il devrait être de 30 MdsE en 2010… Mais une maxime accompagne régulièrement ces coups de gueule : « L’espérance de vie augmente. On est obligé de travailler plus longtemps ». « Pour nous, au comptoir, travailler deux ans de plus c’est plus acceptable que dans d’autres secteurs, affirme un salarié de 30 ans à Antony (92). Nous n’avons pas de pénibilité. Ce qui est inquiétant, c’est l’état du secteur. »

LA QUESTION DES SALAIRES

Pour la grande majorité des agents interrogés, le constat est identique : il y a peu de perspectives d’évolution, peu d’emplois, les salaires sont bas et les pensions ne suffiront pas pour vivre correctement. La première embauche se fait au Smic, même pour des Bac + 3, et les évolutions sont lentes. Un salarié chez Thomas Cook plafonne à 1 250 E nets, avec huit ans d’ancienneté. Après quinze ans, il atteint 1 600 e. Au Raincy un agent témoigne : « J’ai commencé à travailler à 22 ans. J’en ai 27 et je gagne 1 160 E. Je sais que ma pension ne suffira pas, mais je ne peux pas faire d’économies. J’espère progresser dans quelques années, mais je ne resterais pas en agence, il n’y a pas d’avenir. » D’après la Convention collective nationale du personnel des agences de voyages et de tourisme, le salaire minimum pour le groupe A est fixé à 1 384 E et passe, pour les cadres des groupes F, à 2 119 E, puis à 2 585 E au dernier échelon. En misant sur un salaire moyen de 2 500 E bruts sur ses meilleures années, un salarié du secteur qui a 30 ans pouvait espérer partir en percevant une pension de près de 1 500 E à 60 ans, s’il avait commencé à travailler à 19 ans et n’avait pas connu de périodes de chômage. Avec cette réforme, il devra attendre d’avoir 62 ans, et touchera un peu plus. Mais ce recul de deux ans devrait conduire à une diminution du niveau de vie des salariés aux carrières courtes ou mouvementées. L’âge moyen de cessation d’activité est de 58,8 ans et six salariés sur dix sont hors emploi au moment de partir en retraite. Cette période, entre la fin de la vie professionnelle et la retraite, est caractérisée par des ressources beaucoup plus faibles (chômage, invalidité, minima sociaux, préretraite…) et devrait s’allonger. Le monde du tourisme, dont les salariés sont pour près des trois quarts des femmes, pourrait être particulièrement touché. Les femmes parviennent difficilement à réunir le nombre de trimestres nécessaire, seules 44 % d’entre elles ont une carrière complète, contre 86 % des hommes. Elles sont ainsi plus nombreuses à devoir travailler jusqu’au seuil de départ à taux plein – soit à l’avenir… 67 ans -, ou à partir plus tôt en retraite en subissant une décote.

REVENUS SUPPLÉMENTAIRES

Au-delà des plus pénalisés, beaucoup de professionnels jugent le montant des pensions insuffisant et préparent eux-mêmes leur retraite. Le placement dans la pierre, généralement pour l’acquisition d’une résidence principale, reste la solution la plus populaire. Au contraire, les dispositifs d’épargne dans le secteur, dont 85 % des entreprises comptent moins de 10 salariés, sont rares. « Il y a bien le Plan d’épargne entreprise et le Plan d’épargne retraite collectif, explique Geneviève Roy, vice-présidente aux affaires sociales de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), mais ils sont très peu utilisés en PME. Ils sont trop complexes et trop lourds. » Travailler dans une des entreprises de plus de 250 personnes, ce qui est le cas pour plus de 10 000 des 30 000 salariés du tourisme, peut alors être intéressant. « Chez American Express, nous avons négocié une retraite complémentaire très avantageuse, cofinancée à 60 % par l’entreprise », explique Jean-Luc Létisse, de FO. Pour les chefs d’entreprise, la question de la retraite se pose différemment. « La cession du fonds de commerce constitue une grande partie de leur retraite, témoigne Geneviève Roy. Mais ils sont de plus en plus nombreux à ne plus vendre.» Comme l’explique Philippe Rose, délégué régional Nord pour AS Voyages, la valorisation d’une agence dépend de la conjoncture. « On calcule la valeur du fonds de commerce par rapport à l’activité des trois dernières années et en étudiant l’emplacement de l’agence, son potentiel et le type de produits vendus. On peut espérer le vendre entre 45 % et 75 % de la marge dégagée en un an (200 000 E pour une agence moyenne). Avec des perspectives incertaines et la baisse d’activité constatée depuis la crise, le ratio se situe plutôt entre 40 % et 60 %. »

BIEN AU-DELÀ DE L’ÂGE LÉGAL

Nombre de patrons continuent à travailler après avoir dépassé l’âge de la retraite. Un baromètre des TPE réalisé par l’Ifop en 2010 indiquait que 82 % des dirigeants craignaient de ne pas toucher une pension satisfaisante au regard de leurs revenus actuels. « Je ne pouvais pas prendre ma retraite à 60 ans, elle aurait été trop faible, témoigne Annie, qui a ouvert son agence en 1974. J’ai continué jusqu’à 65 ans pour toucher 1 500 E par mois. Aujourd’hui, je travaille encore, mais sans contrainte. » Ancien responsable d’agence à la retraite, Jean-Louis explique avoir travaillé jusqu’à 70 ans pour conserver son niveau de vie. Mais aussi parce que son agence est un peu sa maison.

Pour bénéficier du taux plein, la durée de cotisation sera portée à 41,5 ans

44 % seulement des salariées du secteur réunissent le nombre de trimestres nécessaires

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