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« La médiation est une impasse »

Attaqué par la profession, Alain Bazot, le président de l’UFC-Que Choisir justifie la position de l’association de défense des consommateurs et se défend. Pour lui la médiation est une impasse, l’action de groupe une solution et la profession mal représentée.

L’Écho touristique : Vous avez fêté l’anniversaire du partenariat entre les professionnels du voyage et l’UFC-Que Choisir par un communiqué dénonçant l’accord sur le volcan Eyjafjöll. Pourquoi cette dénonciation polémique ?

Alain Bazot : Notre communiqué de presse a servi de déclencheur. Après un an d’application, nous constatons que la médiation, telle qu’elle a été définie, est une impasse. Nous n’avons jamais dit que ce protocole était prometteur, mais qu’il était pertinent face à une situation particulière. Après l’épisode du volcan islandais, les consommateurs recevaient de la part des professionnels des réponses aberrantes voire pas de réponse du tout. Sachant qu’ils ne saisiraient pas tous un tribunal, nous avons décidé de signer cet accord. Nous étions partis du principe que tous les signataires voulaient un cadre harmonieux qui tire vers le haut les demandes des consommateurs. Le protocole était en deçà de ce que nous estimions pouvoir obtenir par le droit. Mais c’était une voie de passage pour le plus grand nombre. L’attente a été très grande et, au final, nombre de demandes sont restées sur le tarmac.

Certains professionnels ont traité l’association de « poujadiste », d’autres de « faux-cul ». Ça ne vole pas très haut, mais c’est l’expression d’une colère. La comprenez-vous ? Vous attendiez-vous à une telle réaction ?

Je ne comprends pas les termes de ces attaques, qui ne viennent que de certains professionnels. D’autres, comme les présidents du Syndicat national des agents de voyages ou du Cediv, sont sur une position plus proche des consommateurs. La nôtre est peu à peu confortée par les décisions des juges de proximité, qui ont une vision très restrictive des obligations des professionnels. Si nous sommes poujadistes, alors la justice, le gouvernement et l’Union européenne le sont aussi. Je crois que ce qui a provoqué la colère, c’est de voir comment les institutions réaffirment aux professionnels des obligations que certains s’évertuent à nier.

On vous accuse de ne pas reconnaître la notion de cas de force majeure ?

Nous ne contestons pas la notion de cas de force majeure, mais on lui donne des effets qui ne sont pas dans les textes. L’état de droit fait que la force majeure n’exonère pas les professionnels de toutes leurs obligations. Ils doivent assumer certains surcoûts.

L’UFC-Que Choisir, qui accuse la profession d’avoir « baladé les consommateurs », a reconnu auprès du Snav avoir accumulé du retard dans le traitement des dossiers à cause d’un dysfonctionnement de son service juridique. Ça ressemble quand même à de la mauvaise foi cette dénonciation, non ?

Mais on mélange tout, là ! L’UFC-Que Choisir a dû faire face à des milliers de demandes de consommateurs. Le traitement de cet afflux nous a pris plus de temps que d’habitude et nous concédons avoir eu un retard d’information auprès des consommateurs. Cependant, quand nous disons que les consommateurs ont été baladés, il ne s’agit pas d’une question d’attente, mais de la réponse à l’attente. Dans ce domaine, le protocole a montré son inefficacité.

Vous ne voulez donc pas renouveler l’expérience ?

Ce protocole n’était pas un accord-type et ne pouvait donc être étendu à d’autres situations. De manière générale, nous ne sommes pas fans de la médiation. L’UFC-Que Choisir a pris la responsabilité de signer cet accord l’an dernier car il permettait de débloquer une situation particulière. Mais ce fut une erreur de notre part. Nous n’avons toutefois aucun regret d’avoir tenté l’expérience, car elle démontre bien que la médiation n’est pas une solution.

Est-ce à dire que le divorce est consommé entre les professionnels du tourisme et les consommateurs ?

Il y a un problème de représentativité. Les signataires n’ont pas été capables d’engager tous les professionnels. Quand on signe un accord, il faut pouvoir le faire respecter. Vous savez que certains n’ont pas voulu y souscrire. Il faut d’abord régler ce problème.

Vous faites du lobbying pour l’action de groupe. Est-ce dans le cadre d’un appui à la class action que vous avez dénoncé la médiation ?

En effet, la médiation ne peut être qu’une alternative à l’action de groupe. La médiation sera même une excellente chose quand il y aura la perspective d’une action de groupe agissant comme une épée de Damoclès au-dessus des professionnels. Ainsi, si jamais la médiation n’aboutissait pas, la class action prendrait le relais. Une manière de dire aux professionnels Vous n’y échapperez pas ! En dehors de ce contexte d’action de groupe, la médiation est une mascarade.

N’aurait-il pas fallu afficher la couleur il y a un an ? Quels facteurs déclencheurs ont-ils fait évoluer votre position ?

L’an dernier, nous n’avons pas signé le protocole en pensant que cet accord aboutirait à une impasse. On nous accuse trop de ne penser qu’à la procédure, mais nous avons voulu tenter le coup. De plus, nous sentons bien que nous avons des raisons d’être optimistes sur l’avenir de l’action de groupe en France. Beaucoup de commissaires européens y sont favorables, les juristes reconnaissent que c’est une évolution législative indispensable et qu’il est nécessaire d’avoir un outil de régulation comme l’action de groupe. Le seul blocage vient de Bercy et, au-delà, de l’Élysée, alors que c’était une promesse du candidat Sarkozy. Il ne fait pas de doute que nous pousserons le débat lors de la prochaine campagne présidentielle.

« Si la médiation n’aboutissait pas, la class action prendrait le relais. Une manière de dire aux professionnels Vous n’y échapperez pas !»

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