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Jean-François Rial nommé président l’Office du tourisme et des congrès de Paris

Dans une interview exclusive, Jean-François Rial explique à L’Echo touristique ses ambitions pour Paris, alors qu’il prend la présidence de l’Office du tourisme et des congrès de la ville Lumière. La vision du PDG du groupe Voyageurs du Monde repose sur quatre piliers : une meilleure répartition des flux, l’écologie, la concertation et surtout « mettre du beau partout ».

Au cours de sa séance du 24 mars 2021, le conseil d’administration de l’Office du Tourisme et des Congrès de Paris (OTCP) a élu Jean-François Rial président de l’association. Et ce, sur proposition de la maire de Paris Anne Hidalgo, et de Frédéric Hocquard, adjoint au maire en charge du tourisme et de la vie nocturne. Le PDG de Voyageurs du Monde succède ainsi à Pierre Schapira. Il nous a accordé sa toute première interview dans ses nouvelles fonctions, animé par de nouvelles ambitions : mettre de l’écologie et du beau partout à Paris, et travailler avec toute l’Ile-de-France.

L’Echo touristique : Cette nomination est une surprise… Vous êtes déjà PDG de Voyageurs du Monde, vice-président du Seto, et impliqué dans la ferme écologique de votre fils. Pourquoi accepter, en plus, le poste de président de l’OTCP ?

Jean-François Rial : Mon activité au sein de Voyageurs du Monde m’occupe à plus de 150%. Celle du Seto va diminuer avec la fin progressive de la crise. La présidence du Conseil d’administration de l’OTCP reste un poste non-exécutif, que j’accepte avec une grande fierté. La directrice générale Corinne Menegaux est très compétente, elle dirigera l’Office du tourisme au quotidien, dans toutes ses dimensions. Je vais essayer d’orienter les équipes de l’OT dans les directions qui me tiennent à cœur. Je dis bien essayer, puisque j’ignore si je vais réussir dans ce monde institutionnel nouveau pour moi. Mais je ne pourrai rien faire seul. Paris étant le phare du tourisme français, il me faut la confiance et l’appui de la Ville, du département, de l’Etat, des régions… Dans le cadre de cette coordination, nous avons proposé à, Luc Carvounas de devenir vice-président de l’OT.

Cela m’intéresse, parce que je vais tenter d’étendre mes convictions profondes du voyage – développées chez Voyageurs Monde – au monde institutionnel. Sans certitude de succès. Chez Voyageurs du Monde, j’ai tous les leviers. Là, je ne les aurai pas tous, et ne serai pas dans l’opérationnel.

Comment va s’articuler votre mandat avec Corinne Menegaux ?

Jean-François Rial : Un président propose, fixe les orientations stratégiques et communique. Un directeur général réalise les choses. Avant d’accepter le poste, j’ai partagé avec Corinne ce que je comptais faire, elle est en phase avec mes objectifs. L’harmonie devra être totale pour être efficaces. Je succède à Pierre Schapira… qui m’a d’ailleurs marié à la mairie du 2e arrondissement en 2007 (rires). Cet élu de la Ville a effectué plusieurs mandats, il apprécie qu’un professionnel lui succède, et la passation se fait en harmonie. D’ailleurs, il restera dans le bureau. Je vais avoir besoin de lui, de son expérience.

Quelles sont ces « directions » qui correspondent à vos « convictions profondes » ?

Jean-François Rial : Nous avions déjà rédigé avec Jean-François Martins, qui était alors adjoint au tourisme de la maire de Paris, le rapport « Pour un tourisme à impact positif » sur Terra Nova (en 2019, NDLR). J’avais beaucoup apprécié ce travail conjoint avec le brillant intellectuel qu’est Jean-François Martins. Aujourd’hui, il y a quatre directions vers lesquelles je souhaite aller. Le premier objectif, c’est de répartir le mieux possible les flux de voyageurs à Paris, sur des sites différents. A la fois intra-muros mais aussi sur toute l’Ile-de-France. C’est pourquoi je souhaite travailler avec les élus de toute la région. Il faut avoir moins de touristes à la tour Eiffel, la butte Montmartre ou au Louvre, et en attirer davantage dans les 19e et 13e arrondissements par exemple, et sur des sites franciliens. Il faut continuer à augmenter les flux mais empêcher le surtourisme.

Paris n’est pas du tout en saturation de touristes. Paris est en saturation sur certains sites uniquement.

Il faut continuer à augmenter les flux, au-delà du niveau de 2019 ?

Jean-François Rial : Oui, bien sûr. Paris n’est pas du tout en saturation de touristes. Paris est en saturation sur certains sites uniquement. Il reste des choses fantastiques à imaginer, comme visiter Paris à contre-courant. Le deuxième sujet, c’est de mettre de l’écologie partout. Par exemple, il faut utiliser le tourisme fluvial. Mon rêve serait que nous arrivions à positionner des vaporettos sur la Seine, mais aussi sur la Marne. Nous pouvons développer la mobilité douce, comme des abonnements vélos faciles pour les visiteurs. Mon troisième objectif consiste à travailler main dans la main avec les institutionnels concernés par le tourisme à Paris : l’Etat, Atout France et Christian Mantei, les musées nationaux, le ministère de la Culture, les CDT et, plus ambitieux, le CRT. Car Paris est la vitrine de la France touristique, nous devons donc avancer en harmonie avec eux. J’ai aussi l’ambition de travailler avec les opérateurs privés concernés, pour les motiver et les aider à se transformer. Il me faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie. Il me faudra apprendre sur un sujet où je ne suis pas très fort, c’est la patience.

Mon quatrième objectif, c’est l’Everest : remettre du beau partout dans Paris.

Faire travailler tout ce monde – institutionnels et privés – requiert effectivement du temps et de la patience…

Jean-François Rial : C’est un challenge pour moi…

Mon quatrième objectif, c’est l’Everest : remettre du beau partout dans Paris, ce qui touche à des fonctions dépassant le cadre de l’Office de tourisme. J’y tiens beaucoup. J’en ai beaucoup parlé à ceux qui m’ont proposé ce poste, à commencer par (la maire) Anne Hidalgo bien sûr. Il me faut l’appui de la Ville et de ses différents services, de la Culture, du mobilier urbain, de l’Urbanisme. Le Premier adjoint de Paris Emmanuel Grégoire, très sensible au sujet du Beau, a déjà démarré avec les Parisiens un chantier participatif sur « comment mettre du beau dans Paris », ce qui est une très belle initiative. Et bien évidemment, il me faut aussi le soutien d’Anne Hidalgo qui est crucial. J’attaque vraiment l’Everest, puisque c’est transversal. Paris est l’une des villes les plus visitées et des plus belles au monde. Nous devons la moderniser tout en respectant son ADN et son Histoire. Par exemple, cette ville a trop de poteaux, qui peuvent gâcher la vue… Le beau n’est pas qu’un gadget ou le point de vue d’un bobo. Non, le beau c’est l’incarnation de la vérité, l’émotion, le voyage.

On parle de beau, ce qui passe par une ville propre. Depuis presque toujours, Paris est critiquée pour son manque de propreté. Certains disent que la situation a même empiré avec la crise sanitaire. N’est-ce pas un chantier prioritaire ?

Jean-François Rial : C’est un chantier prioritaire pris en main par la Ville de Paris, de façon très forte depuis trois ans. Des moyens importants ont été déployés. Des progrès ont déjà été faits, il faut continuer.

Vous prenez votre poste aujourd’hui, alors que le secteur touristique est en pleine crise, à Paris plus que dans d’autres villes. Comment voyez-vous la saison d’été ?

Jean-François Rial : Nous allons pouvoir faire revenir la clientèle européenne cet été, sans trop de problèmes. Peut-être aussi un peu de clientèle internationale lointaine, qui sera davantage de retour à compter de l’automne, au fur et à mesure de la vaccination. 2021 restera une année de transition. Nous pouvons aussi faire découvrir ou redécouvrir Paris aux Parisiens, aux Franciliens, aux Français.

Un sujet sensible, c’est les locations saisonnières type Airbnb, notamment dans le centre. Que faut-il changer en la matière ?

Jean-François Rial : Airbnb est un très bon produit. Mais au-delà d’une certaine proportion, ce n’est plus supportable pour les habitants, qui sont éventuellement privés de logements. Développer les Airbnb dans Paris centre, c’est une ânerie. Les Airbnb dans le 19e, ou à Créteil, pourquoi pas.

Je ne suis pas contre un système de quotas (pour les logements Airbnb), j’y suis même favorable. Même chose pour les hôtels.

Faut-il aller jusqu’à mettre en place des quotas ?

Jean-François Rial : On ne peut pas tant que l’Etat ne nous autorise pas à le faire. C’est du domaine législatif. Mais si on convainc l’Etat, on peut le faire. Je ne suis pas contre un système de quotas, j’y suis même favorable. Même chose pour les hôtels. Si un quartier est composé surtout d’hôtels et de logements type Airbnb, il n’y aura plus de touristes, puisqu’il n’y aura plus d’habitants. Le contre-exemple parfait qu’il faut éviter, c’est le quartier de la gare à Venise. Là, on est dans le surtourisme intégral.

Les travaux du CDG Express ont repris. C’est un beau projet ?

Jean-François Rial : Oui. Un transport rapide entre Roissy et la ville de Paris est indispensable.

Les JO 2024 approchent, aussi, à grands pas. Quelle est la priorité pour que ce soit une réussite ?

Jean-François Rial : Même motivation que pour le tourisme parisien dans son ensemble. Il faut éviter le surtourisme et faire de l’écologie. Si les JO sont un outil de promotion internationale et une vitrine fantastique, nous voulons aussi avec Pierre Rabadan, adjoint au Sport, que les Franciliens et les Français profitent de ces JO dans des conditions financières accessibles à tous.

Quels sont le budget et l’équipe ?

Jean-François Rial : Environ 20 millions d’euros en période normale hors-Covid, et une équipe de 50 personnes.

Vous êtes engagé, militant, pour un monde plus respectueux de la planète comme des migrants. Vous êtes un sympathisant d’Anne Hidalgo et vous avez été proche d’Emmanuel Macron. Après la présidence de l’OTCP, une carrière politique ?

Jean-François Rial : Non, je n’en ferai pas, jamais. Je n’ai pas les atouts nécessaires. Je n’ai pas le cuir assez épais, et je veux rester libre. Je suis un militant, un agitateur d’idées oui. Un acteur politique opérationnel qui se présente à des élections, non.

Revenons à Paris. Vous êtes l’un des artisans du Refettorio. Quel est le bilan ?

Jean-François Rial : Le Refettorio marche très bien. Nous servons 120 repas par jour. Pendant le premier confinement, nous sommes montés jusqu’à 5000 paniers repas jour, c’est extraordinaire. Ce qui est embêtant aujourd’hui, c’est qu’un tiers de notre public est composé d’étudiants. J’en profite pour remercier les professionnels du voyage qui nous aident en faisant des dons.

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La bio de Jean-François Rial

Né le 12 juin 1963, Jean-François Rial a suivi des études de statisticien à l’ISUP (Institut Supérieur de l’Université Paris VI), passant – en parallèle- un diplôme d’actuaire. Ce passionné d’histoire et de géographie devient, à 25 ans, directeur général d’une société côté au Second Marché de la Bourse de Paris, FININFO.

Entre les bancs de l’Université et ses premiers pas dans la finance, il va rencontrer ceux qui, au fil des années, vont composer sa garde rapprochée professionnelle : Alain Capestan, Lionel Habasque, Frédéric Moulin et Loïc Minvielle. Tous répondront présents à l’appel de « l’aventure » lorsque Jean-François Rial décide, avec eux, de reprendre Voyageurs du Monde en 1996.

Jean-François Rial est aujourd’hui le PDG du groupe, qui vient de lever 130 millions d’euros afin d’accélérer son essor à l’international. Il est aussi le vice-président du Syndicat des entreprises du tour-operating (Seto), un rôle dans lequel il s’investit tout particulièrement depuis le début de la crise sanitaire, avec René-Marc Chikli, président du syndicat.

Citoyen engagé, il est aussi président de l’association Refettorio Paris, fondée par le chef Massimo Bottura et l’artiste JR pour sensibiliser les populations à la lutte contre le gaspillage alimentaire via l’inclusion sociale. Dans la continuité de son soutien à ce restaurant solidaire pour migrants et SDF, il a créé avec son fils Tom une ferme en agriculture biologique dans le Perche.

Engagé et militant pour un tourisme plus responsable, le patron de Voyageurs du Monde prend la présidence de l’OTCP à un moment délicat. Crise sanitaire oblige, Paris a perdu ses touristes internationaux lointains, ses voyageurs d’affaires, et son industrie hôtelière souffre tout particulièrement. Tout comme son écosystème de la culture, pilier du tourisme francilien.

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