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Gants, masques, distanciation : Accor prépare un standard sanitaire certifié pour tous les hôtels

Crise, reprise, franchise… Nous avons interviewé Franck Gervais, directeur général Europe d’Accor, sur sa vision de la reprise et de l’évolution des comportements.

L’Echo touristique : Les deux tiers des hôtels Accor dans le monde sont-ils toujours fermés ? Avez-vous rouvert la Chine ?

Franck Gervais : 40% des hôtels Accor sont ouverts dans le monde. Nous avons rouvert 80% à 90% des établissements situés en Chine. En termes de réservations, l’économique et le business travel domestiques redémarrent en Chine, même si nous ne sommes pas au niveau d’avant la crise bien sûr. Cette reprise nous éclaire un peu sur ce qui pourrait se produire en Europe en général, et en France en particulier.

Quelles normes sanitaires mettrez-vous en place en France après le début du déconfinement, le 11 mai ?

Franck Gervais : Nous élaborons des procédures standards d’accueil selon de nouvelles modalités afin de rassurer les employés, les clients, les fournisseurs sous-traitants incluant les personnels de nettoyage, de maintenance, de sécurité. Nous travaillons avec un organisme de certification (Bureau Veritas, Ndlr) pour co-créer ces standards applicables aux hôtels et aux restaurants en France et en Europe. Ces nouveaux standards ont pour vertu de pouvoir s’appliquer à toute la profession, et d’inspirer d’autres catégories d’hébergement.

Vous allez les proposer à Jean-Baptiste Lemoyne ? Le secrétaire d’Etat en charge du Tourisme a justement évoqué cette semaine l’urgence d’une nouvelle norme sanitaire

Franck Gervais : Dès mardi prochain, nous allons effectivement proposer à Jean-Baptiste Lemoyne ce projet de standards qui pourraient être applicables à tous les hôtels, avec un volet restauration. Nous allons l’aborder lors du prochain Comité de filière du tourisme qui se réunit chaque mardi. Nous nous sommes déjà rapprochés de l’association France Tourisme pour que chaque leader dans son secteur -les Galeries Lafayette, ADP, Pierre & Vacances…-  établisse des propositions opérationnelles très concrètes. Plus globalement, nous voulons être force de proposition en vue de la reprise, et parler d’une seule voix au niveau du tourisme. C’est important pour ensuite pouvoir communiquer de manière homogène, sans dissonance, ce qui sera de nature à rassurer les clients.

Nous allons leur offrir des nuitées gratuites aux personnels soignants lors du déconfinement.

Quels sont les points saillants de ces standards sanitaires pour Accor ?

Franck Gervais : Nous devons prévoir et organiser la distanciation sociale pour limiter le risque de propagation. Ces standards prévus pour la reprise prévoient le port de masques pour nos personnels, l’équipement en gel hydroalcoolique et en gants, des nettoyages renforcés. Il faut tout revoir au niveau des points fréquents d’empreintes des clients, jusqu’au nettoyage fréquent des boutons d’ascenseur, et au service du petit-déjeuner et des buffets.

Tout le personnel porterait des masques ? Nous ne pourrons pas en faire l’économie, même si la France en manque aujourd’hui ?

Franck Gervais : C’est l’hypothèse la plus probable à ce jour.

Quel sera le manque à gagner dû à cette crise ?

Franck Gervais : Nos chiffres seront communiqués le 22 avril, lors de la présentation des résultats du premier trimestre. Au niveau de notre situation économique, nous avions la chance d’avoir trois milliards de cash en début d’année. Désormais, nous sommes un groupe totalement « asset light ». Nous avons moins d’effets de levier négatifs de cette crise que d’autres opérateurs qui possèdent des murs ou une flotte d’avion.

Nous sommes là pour aider les hôteliers, notre sort en dépend.

L’Echo touristique : Vous avez créé un fonds de solidarité de 70 millions d’euros. Quel est l’objectif ?

Franck Gervais : Au titre des résultats 2019, Accor avait 280 millions d’euros de dividende, qui a été annulé en raison de la crise. Dans le même temps, le conseil d’administration a décidé de créer un fonds pour un quart de ce montant, dans un bel élan de générosité. L’objectif est d’aider nos 280 000 employés dans le monde, soit pour des couvertures médicales ou des situations financières compliquées suite à des mises en chômage partiel. Nous sommes présents dans 110 pays, dans lesquels les protections sociales sont parfois difficiles et engendrent des baisses de salaire supérieures à 30%. Nous voulons aussi venir en aide à nos partenaires propriétaires, essentiellement nos franchisés en France, et au personnel soignant. Nous logeons aujourd’hui des soignants dans nos hôtels, et nous allons leur offrir des nuitées gratuites lors du déconfinement, dans le monde entier. Nous sommes en contact avec les hôpitaux afin d’établir des critères d’éligibilité. Le dispositif devrait être bientôt finalisé.

Quelle est la situation des franchisés ?

Franck Gervais : En France, nous avons 380 franchisés pour 1200 hôtels. Ce sont souvent de petites entreprises qui ont dû mettre en place des mesures de chômage partiel et des prêts bancaires garantis. Le secteur va être durablement affecté. Les hôtels ont besoin d’aides structurelles qui s’inscrivent dans le temps. Nous prônons des crédits d’investissement afin d’aider les propriétaires pris à la gorge, pour les aider à réinvestir dans leur outil. En étant le leader en Europe et en France, nous préconisons toutes ces mesures auprès des différents ministères et lors du Comité de filière du tourisme. Nous sommes là pour aider les hôteliers, notre sort en dépend. Et nous avons aussi besoin d’un signal fort de reprise du business et de retour des clients. 36,7 millions de téléspectateurs ont entendu l’allocution d’Emmanuel Macron du 13 avril, où le président indiquait que les restaurants, cafés et hôtels ne rouvriraient pas le 11 mai. Or les hôtels sont ouverts, contrairement aux cafés et restaurants qui sont fermés par un arrêté du 14 mars ! En France, nos 380 établissement sont ouverts, tout comme nos canaux de vente, même si tout est endormi en cette période de confinement.

Nous devons recréer un choc de confiance, avec de nouvelles normes.

Comme d’autres acteurs de l’industrie tels que les agences et les TO, vous n’enregistrez aucune réservation ?

Franck Gervais : Nous avons enregistré 25 000 nuitées depuis trois semaines, qui viennent presque exclusivement des personnels soignants, des personnes sans-abris, des travailleurs du BTP et des militaires. Mais presque aucune réservation ne vient du grand public. C’est pourquoi nous devons recréer un choc de confiance, avec de nouvelles normes d’exploitation et d’accueil qui prenant en compte le risque de contamination du coronavirus : des mesures d’hygiène, de nettoyage, de distanciation sociale.

Comment vont évoluer les attentes des voyageurs ?

Franck Gervais : Cette crise était imprévisible, même dans les pires des scenarii. C’est du jamais-vu, j’espère que nous ne reverrons plus jamais cela. La crise sanitaire va changer pas mal de choses. Demain, les voyageurs vont avoir de fortes attentes en termes de sécurité sanitaire. De plus, après cette crise, l’individu va être au moins autant citoyen que consommateur : il voudra savoir qui est -derrière le produit ou service- cette marque, ses employés, ses prestataires, ses engagements… Il se demandera si la marque est responsable, ce qui sera fondamental. Le réflexe sera plus local, authentique, small plutôt que worldwide. C’est ce que nous observons dans tous les secteurs d’activité, au niveau de L’Union des marques que je préside.

Justement, Accor est plutôt worldwide, non ?

Franck Gervais : Nous nous sommes adaptés depuis quelques années. Nos marques sont présentes partout dans le monde, mais aussi très ancrées localement. Les hôtels Ibis sont ouverts, avec des concerts, des brunchs et des activités pour les clients comme pour les locaux. Les hôtels Mercure s’approvisionnent de tous leurs produits localement, et présentent tout ce qui existe autour comme lieux de visite. Enfin, notre jeune marque (lifestyle) Greet est nativement responsable.

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