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Comment les Français (re)voyageront, selon Jean-François Rial

Avec 2 ou 3 réservations par semaine, Voyageurs du Monde est comme toute notre industrie, au point mort. Son PDG Jean-François Rial formule plusieurs hypothèses intéressantes de reprise. Et il croit fondamentalement que le voyage retrouvera à terme une forme de sagesse.

Au sein du groupe Voyageurs du Monde, où en sont l’activité et le chômage partiel ?

Jean-François Rial : 50% des salariés sont au chômage partiel, 50% travaillent à distance. Nous allons passer à 60% de chômage partiel maintenant que nous avons procédé aux rapatriements et à l’essentiels des reports. L’activité est à l’arrêt. Nous enregistrions 2 ou 3 réservations par jour il y a deux semaines. Nous sommes à 2 ou 3 par semaine. Mais le groupe est solide.

Malgré les mesures de soutien du gouvernement, des faillites sont-elles inévitables dans l’industrie du tourisme ?

Jean-François Rial : Tout dépend. Si la chute de l’activité dure jusqu’au début de l’année 2021, les entreprises du secteur devraient traverser la tempête. Au-delà de neuf mois, il faut s’attendre à des faillites parmi les sociétés qui ont peu de valeur ajoutée.

De nouvelles frontières, intérieures à la France, pourraient accompagner la reprise.

Dans une longue analyse publiée par le Think Tank Terra Nova, vous expliquez que les voyages au sein d’un même pays, à huis clos, devraient reprendre de façon importante. Les voyages des Français en France sont-ils l’hypothèse la plus probable, dès cet été ?

Jean-François Rial : Pas forcément. Différents scénarios sont envisageables. Supposons par exemple que l’Ile-de-France et la région de Berlin soient débarrassées du Covid-19, mais pas le sud de la France. Des frontières intérieures étanches, au sein d’un même pays donc, pourraient être dessinées, avec des voyages autorisés de manière bilatérale entre les régions francilienne et berlinoise. De manière totalement inédite, de nouvelles frontières, intérieures à la France et à d’autres pays, pourraient accompagner la reprise, en fonction des situations sanitaires locales. Le gouvernement français a d’ailleurs envisagé de déconfiner région par région, mais a finalement reculé devant la difficulté logistique d’un tel dessein. Imaginer que le tourisme intérieur fonctionnera en général, dans chaque pays, ce n’est donc pas du tout certain. Aux Etats-Unis par exemple, des déplacements vers certains Etats pourraient être autorisés, mais avec plusieurs exclusions comme l’Etat de New York, durement touché par la pandémie.

Même si la destination France n’est pas la panacée, allez-vous renforcer votre production sur la destination cet été ?

Jean-François Rial : Pas du tout. Notre production sur la France est déjà très complète, elle vise surtout des personnes vivant à l’étranger ou des amateurs de randonnée. Les résidents français n’ont pas vraiment besoin d’intermédiaires pour planifier leurs vacances dans leur propre pays. En général, ils passent en direct.

Dans votre analyse pour Terra Nova, vous évoquez aussi une phase 2, celle d’une reprise intermédiaire et dégradée de l’activité : des voyages seraient autorisés entre deux ou plusieurs pays ayant éradiqué le virus. Et seules les personnes immunisées (et identifiées via des tests sérologiques), voire celles qui sont reconnues non porteuses, pourraient voyager librement…

Jean-François Rial : Aujourd’hui, nous sommes au cœur de la crise. Va effectivement suivre une reprise intermédiaire et dégradée de l’activité, qui pourrait se poursuivre jusqu’au début 2021, voire jusqu’au printemps 2021. En plus des individus immunisés, des personnes ayant passé des tests sérologiques fiables pourraient peut-être se déplacer – la compagnie aérienne Emirates commence à faire l’expérience de tests rapides. Seul problème, le dépistage du coronavirus par des tests PCR serait impossible pendant les 48h après la contamination. Il serait alors envisageable de mettre en place une quarantaine de 48 heures à l’arrivée d’un ressortissant français dans une destination. Une quarantaine de 14 jours n’est pas compatible avec le voyage, deux jours peuvent l’être.

Au fond, est-ce la mise en place du vaccin qui nous permettra de sortir de la période intermédiaire ?

Jean-François Rial : Ce n’est pas sûr. Quatre scénarios de sortie se profilent : le vaccin, la disparition du virus, l’immunité générale mondiale au nouveau coronavirus, ou un traitement thérapeutique qui soigne au point de rendre les personnes atteintes non contagieuse – comme il en existe pour le virus du Sida. Il faut rester prudent sur les dates, que je donne à titre indicatif seulement. Mais la situation sanitaire grave que nous traversons devrait vraisemblablement perdurer jusqu’à l’automne 2021.

Après la crise actuelle, nous voyagerons moins, mais mieux.

Après le déconfinement, les voyageurs pourraient être accueillis dans des hôtels et d’autres hébergements au personnel portant un masque. Les clients peuvent-ils se projeter dans un tel cadre sur leur temps de loisir et de vacances ?

Jean-François Rial : L’homme a une vraie capacité d’adaptation. Par exemple, chez Voyageurs du Monde, nous travaillons à 100% à distance, ce que je n’aurais jamais imaginé avant la crise sanitaire actuelle. Demain, nous pourrions aussi connaître d’autres changements, comme l’embarquement à bord des avions une personne à la fois, et un siège occupé sur trois afin de respecter la distanciation sociale. Les coefficients de remplissage seraient faibles, les prix plus élevés.

Pensez-vous que les prix des voyages augmenteront durablement ?

Jean-François Rial : Une reprise frénétique n’est pas improbable… pour ceux qui auront de l’argent. Nous pourrions assister à une reprise économique progressiste, avec des coûts supplémentaires -non facturés jusqu’alors- susceptibles de renchérir les prix à long terme. Je pense à des taxes sur la biodiversité, les réserves naturelles et une vraie taxe carbone conséquente, calculée sur les émissions liées aux déplacements. Je ne pense pas que les citoyens acceptent d’emblée de les payer, mais plutôt au fait qu’ils vont choisir des élus susceptibles d’instaurer de telles taxes écologiques. Nous sommes à l’aube de politiques plus respectueuses de la planète.

Le tourisme de masse n’est pas mort. Mais avec cette crise, va-t-il s’estomper ?

Jean-François Rial : Le tourisme de masse va perdurer, même si les difficultés économiques vont peser sur les foyers les plus modestes. Je pense surtout qu’il faut réinventer le tourisme populaire. Les clubs peuvent se limiter à 50 chambres au lieu de 500, et respecter l’environnement. Les croisières doivent également se réinventer. Les paquebots de 5000 passagers détruisent la biodiversité. J’ajoute qu’il existe du tourisme de masse dans les voyages sur-mesure, comme sur des circuits en Thaïlande. Nous sommes également concernés.

Croyez-vous qu’à terme il y ait moins de touristes, plus de voyageurs ?

Jean-François Rial : Oui, à long terme. Les gens vont partir plus longtemps, moins souvent. Nous voyagerons moins, mais mieux. Une famille qui dispose d’un budget annuel de 5000 euros devra éventuellement accepter de débourser 10 000 euros demain, l’obligeant à partir à l’étranger 1 année sur 2 ou 3. J’ai beaucoup aimé les propos de Jean-Pierre Nadir (fondateur d’Easyvoyage, NDLR) : il a dit que le voyage était rêve et beauté, et qu’il était devenu Ebitda, capacité aérienne, taux de croissance. Tout à fait d’accord avec lui. La bonne nouvelle, c’est que nous allons revenir aux origines du voyage. Avec moins de touristes, plus de voyageurs. Nous limiterons ainsi le surtourisme, la Disneylandisation, le non-respect des populations locales.

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2 commentaires
  1. Louis Dessac dit

    Comme toujours JF Rial est complètement déconnecté de la réalité. Son modèle « sur mesure » n’est qu’une façade pour du tourisme de masse, mais plus cher.
    Le voyage, en effet, retrouvera à terme une certaine sagesse. Encore faut-il que des personnes comme ce monsieur se renseignent avant de parler de sujet qu’ils ne maitrisent plus.

  2. Françoise Bukhari dit

    Si nous partageons votre vision du voyage (nous ne pratiquons pas le tourisme de masse, nous ne vendons pas de séjours purement balnéaires et nous invitons toujours nos clients à jongler avec les périodes pour éviter trop d’affluence sur les sites incontournables en leur faisant comprendre aussi qu’il faut mieux faire l’impasse sur certains sites et privilégier d’autres jardins secrets …), nous vous trouvons bien pessimiste et pourtant vous continuez a priori à prendre des réservations …
    Vous donnez un coup d’arrêt à notre profession alors qu’il faut essayer de lui remonter le moral malgré une gestion calamiteuse et moyenâgeuse de la crise par notre gouvernement. Nous avons été parmi les premiers touchés par l’épidémie (l’une de nos destinations principales étant la Chine depuis plus de 30 ans) mais grâce à tous les tableaux que nous tenons depuis le 1er février 2020, nous conservons l’espoir de jours meilleurs (bien que la France fasse partie des derniers de la classe …) et nous pensons (mais nous pouvons aussi nous tromper) que la maladie ne restera active qu’à hauteur de 5 à 10 % de la population mondiale et que l’épidémie devrait nettement ralentir, voire disparaître entre le 1er et le 15 juillet de cette année … l’échéance de l’automne 2021 que vous avancez nous paraît bien lointaine …
    Bien à vous,
    Françoise Bukhari
    Mouvance Voyages à Paris 8ème

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