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Aérien : des écarts abyssaux entre 5 calculateurs d’émissions de CO2

Calculer son empreinte carbone, pour un voyageur, c’est le préalable avant de compenser son billet d’avion par exemple. Sauf que, selon les calculateurs, les résultats affichés diffèrent fortement.

En attendant des avions moins énergivores, et des carburants plus respectueux de l’environnement, les Français ne vont pas renoncer à leurs voyages à l’étranger. En revanche, un nombre croissant de passagers songent à compenser ou à absorber les émissions de gaz à effet de serre (du CO2 principalement) liées à leurs vols. Les entreprises du secteur aussi. Pour passer de l’idée à l’acte, nous avons choisi de prendre un exemple concret, soit un vol Paris-Bangkok. Et de faire tourner différents calculateurs. Résultat : les bilans carbones varient, très fortement.

Le calculateur de l’Ademe

Première escale sur le site https://datagir.ademe.fr/apps/mon-impact-transport. C’est le calculateur de l’Agence de la transition écologique (Ademe), qui fait souvent autorité au sein d’ATR et de TO engagés comme le groupe Voyageurs du Monde. Le voyageur est invité à déplacer son curseur, jusqu’à la distance parcourue, à quelques dizaines de kilomètres près. Pour le vol AS Paris-Bangkok, nous partons sur une estimation à 9705 kilomètres. Bilan carbone : 1465 kg équivalent CO2.

 

Le calculateur de la DGAC

Deuxième escale sur le calculateur de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Bilan carbone : 837,5 kg équivalent CO2. Soit près de deux fois moins que le résultat affiché par défaut par le calculateur de l’Ademe. Comment expliquer une telle différence ? Nous avons interrogé Marc Cottignies, ingénieur expert, service Transports et mobilité à l’Ademe. « Nous sommes totalement alignés sur ce que publie la DGAC, précise-t-il. Mais, par défaut, l’Ademe prend en compte les traînées » dans son calculateur et ses études. De son côté, la DGAC n’intègre pas cet impact, d’où des estimations divisées par deux par rapport à l’Ademe. En quoi consistent ces traînées ? « Du fait que les avions volent à haute altitude, la combustion du kérosène crée des traînées et perturbe les cycles d’autres gaz à effet de serre que le CO2 (vapeur d’eau, eau condensée sous diverses formes, NOx et méthane) », explique l’agence. Cet impact est aussi appelé forçage radiatif additionnel.

Le calculateur d’Air France

Poursuivons notre tour des calculateurs. Cette fois, petit coup de projecteur sur celui d’Air France. Sans surprise, la compagnie nationale s’appuie, dans les grandes lignes, sur la méthode de la DGAC. Bilan carbone : 703 kg CO2. Toutefois, Air France n’intègre pas la production et la distribution de carburant, ce qu’elle mentionne d’ailleurs sous son encadré. A charge pour le passager de prendre sa calculette pour ajouter 20%, s’il est assez motivé. Ce qui n’est pas conforme à la règlementation française (de 2013) ni à la norme européenne, selon Marc Cottignies. Restons positifs, Air France a au moins le mérite de proposer d’évaluer son empreinte carbone. Toutes les compagnies aériennes ne font pas cet effort.

Le calculateur de Good Planet

Nous poursuivons notre tour des calculateurs avec Good Planet. La fondation créée par Yann Arthus Bertrand affiche le bilan carbone le plus salé : 1,7 tonne équivalent CO2.

Le calculateur de l’OACI

Nous terminons notre comparatif avec le calculateur de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Toujours avec le même vol, un Paris-Bangkok. Bilan carbone : 389,7 kg CO2. Soit 3,75 fois moins que les 1465 kg CO2 de l’Ademe… Une différence qui laisse au moins songeur. Et en dit long sur l’anarchie des chiffres, et le besoin de standardisation. 

En conclusion, les 5 calculateurs étudiés donnent des chiffres très différents les uns des autres. Marc Cottignies travaille sur une norme Iso qui permettra – nous l’espérons – d’harmoniser un peu les violons. La Commission européenne a aussi lancé une démarche baptisée « Comptabilisation des émissions liées aux transports » qui pourrait selon lui accoucher à terme d’un règlement européen. Il existe aussi un projet de décret relatif à la compensation des émissions de gaz à effet de serre des vols effectués à l’intérieur du territoire national.

Si la compensation/absorption veut gagner du terrain et se démocratiser, elle devra en tout cas s’appuyer sur des méthodes plus lisibles et convergentes. 

PRECISION IMPORTANTE (publiée le 28 février 2022) : Suite à nos échanges avec son ingénieur expert, service Transports et mobilité (et à la publication de cet article), l’Agence de la transition écologique (Ademe) nous a informés qu’elle avait modifié l’affichage des résultats par défaut, lesquels sont donc désormais alignés sur ceux de la DGAC. « La calculette Ademe a été améliorée afin de présenter par défaut les résultats des calculs pour les vols dans la version ‘sans prise en compte des trainées’, tout en laissant la possibilité de les faire apparaître en cochant la case après avoir cliqué sur le ‘?’ », nous a écrit l’Ademe. Pourtant, dans son rapport sur le bilan des émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme en France, publié en 2021, l’Ademe prend bel et bien en compte les traînées.

2 commentaires
  1. OLLIVARY dit

    Comment se fait il que les calculs de french bee soient 8 fois moins élevés en carbone que ceux de l’ADEME ?

  2. Godard dit

    Merci pour cette étude comparative très intéressante mais aussi préoccupante. Et la deuxième étape serait de comparer le coût de la tonne de CO2 qui varie aussi fortement d’une source à l’autre et qui est pourtant à la base du coût de la compensation !

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