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Pourquoi la transparence des prix a échoué

Le gouvernement dénonce le manque de transparence des sites spécialisés dans le vol sec. Son coup de poing sur la table ne règle pas le problème de fond. Mais il peut inciter à assainir, demain, des pratiques douteuses.

Carole Delga a décidé de jouer aux gendarmes et aux voleurs, avec la DGCRRF (Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes) comme bras armé. Le 11 février, la secrétaire d'État chargée du Commerce et de la Consommation, a dénoncé des pratiques bien connues des internautes : plusieurs sites de vols secs manquent de transparence, et sont coupables de ne pas publier des prix TFC (tous frais compris). L'État dénonce une fraude « quasi-généralisée » en matière d'affichage des prix. En 2014, vingt acteurs de la vente en ligne de billets d'avion ont été contrôlés par la DGCCRF. Neuf procès-verbaux sont venus rappeler à l'ordre des contrevenants. Cinq ont négocié à l'amiable la fin des poursuites moyennant le paiement d'amendes allant de 100 000 à 150 000 €. Les quatre restants risquent jusqu'à 300 000 € d'amende et deux ans de prison. Le gouvernement a ciblé les comparateurs de vols et les agences de voyages en ligne (OTAs), en faisant un amalgame entre les deux métiers. Des noms sont sortis du chapeau d'une « source proche du dossier », selon l'AFP : les agences en ligne du groupe Odigeo que sont eDreams, Go Voyages et Opodo, mais aussi Easyvoyage. Des accusations que le service presse de Carole Delga n'a pas voulu nous confirmer. Jean-Pierre Nadir, président-fondateur du comparateur français, ne décolère pas. Lui qui a signé la charte des comparateurs plaide non coupable, et assure avoir été épinglé pour de seules « mentions marketing optimisées ». « Depuis deux ans, je m'évertue à afficher des prix hors frais et frais compris, quitte à me brouiller avec des agences en ligne. Quitte, aussi, à perdre des clics ». « La DGCCRF a tout mélangé, m'a mis en danger. C'est grave », objecte-t-il, en expliquant qu'il a mené quinze interviews en 48 h pour défendre sa réputation.

Des pratiques qui perdurent

Chose certaine : sur Internet, le manque de transparence tarifaire ne date pas d'hier. Un banc d'essai de Lechotouristique.com, réalisé en février 2014, montrait que quatre agences en ligne sur sept facturaient des frais d'émission par passager allant jusqu'à 42 € par vol AR. Un an plus tard, la situation a-t-elle changé ? Interrogé par nos soins, le service communication d'Odigeo France l'affirme, dans une réponse par e-mail : « Nous avons appris (…) par la presse les rumeurs de sanctions de la DGCCRF à l'encontre de nos marques. Nous tenons à souligner qu'il s'agit d'une procédure ancienne, à laquelle nous avons pleinement coopéré. L'ensemble des litiges concernant les marques du groupe (Opodo, Go Voyages et eDreams) sont maintenant réglés. Il n'y a à ce jour aucune charge liée à nos marques ». Nous avons vérifié, sur eDreams.fr. Nous avons cherché un vol AR Paris-Madrid. Le premier prix ressort à 141,98 €. Mais dans le « Détail du prix », l'agence en ligne explique que « le prix affiché par défaut inclut une réduction sur les frais appliqués par eDreams (…) disponible lorsque vous payez avec Visa Entropay ». Autrement dit, la facture passe à 185,63 € avec les frais d'émission et le règlement via une carte Visa. 43,65 € de frais divers et variés séparent le tarif en frontal, et celui que l'internaute paiera in fine avec une carte bancaire courante. L'OTA se donne ainsi les moyens de monter dans les premières réponses des comparateurs, et de séduire un internaute prêt à changer de site pour épargner quelques euros… C'est le noeud du problème. Il manque toujours la volonté de faire preuve de transparence. Afficher des prix TFC ne tient pourtant pas de la prouesse technologique, pour une OTA. Le réseau volontaire Selectour Afat, aux moyens financiers plus limités qu'un Odigeo réalisant des ventes de 4,4 Mds € par an, relève le défi. Havas Voyages, lui, facture 10 € de frais de dossier qui apparaissent lors du parcours d'achat. « Nos pratiques sont conformes à celles du marché, commente Audrey Eymard, directrice e-commerce du réseau. Mais nous envisageons de les changer. Si les comparateurs sont plus transparents, nous le serons ».

Surveiller toute la chaîne

Que faut-il faire, pour dépasser la polémique des derniers jours ? « Si l'opération mains propres continue, il ne faut oublier aucun acteur de la chaîne », souligne Fabrice Dariot, président de La Bourse des Vols. Les compagnies aériennes, ainsi que les OTAs et les comparateurs étrangers ne sont pas (assez) dans le viseur des autorités, regrette-t-il. Jean-Pierre Nadir, d'Easyvoyage, avance pour sa part deux idées : « Un statut de comparateur, qui est un média, devrait être créé, pour bien le différencier de l'OTA. Il faudrait de plus qu'un décret impose en France, à tous les marchands, l'affichage des prix TFC. Mécaniquement, les comparateurs en feraient autant ». Me Emmanuelle Llop, du cabinet Equinoxe Avocats, n'en est pas pleinement convaincue. « Trop de droit tue le droit », lance-t-elle, en rappelant l'existence de deux textes : « La loi Consommation du 17 mars 2014, dite « loi Hamon », renforce le devoir d'information et de transparence, sur Internet, quel que soit le produit vendu. Et selon le règlement CE 1008/2008 du 24 septembre 2008, « le prix définitif à payer est précisé à tout moment et inclut le tarif des passagers (…) ainsi que l'ensemble des taxes, des redevances, des suppléments et des droits applicables inévitables et prévisibles à la date de publication ». Selon Me Emmanuelle Llop, cette obligation s'applique aux compagnies, aux agences en ligne et aux comparateurs. Au-delà des textes de loi, plus ou moins respectés, il est urgent, aussi, que les professionnels impliqués s'assoient pour discuter, au lieu de laver leur linge sale en public. Ce n'est pas bon pour l'e-tourisme.

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