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Le Shin Bet ne lira pas mes mails !

La justice israélienne vient de confirmer que les services de sécurité de l’aéroport de Tel-Aviv, en Israël, avaient le droit de demander l’accès aux courriers électroniques des touristes. Non mais allô, quoi ?

Je me suis promis de retourner en Terre Sainte. Je ne sais pas si l’on rentre indemne (émotionnellement, j’entends) d’un voyage en Israël et en Palestine. Mais pour moi, le premier a été une vraie claque, au sens positif du terme. C’était l’an dernier, une semaine de reportage en mode "passe-muraille", à cheval sur la Cisjordanie et l’Etat d’Israël.

Je me suis promis d’y revenir, oui, mais je n’ouvrirai pas ma boîte mail au Shin Bet, le service de sécurité intérieure du pays. Cela me vaudra-t-il, le jour venu, d’être refoulé aux frontières ? Ce mercredi, le procureur général israélien a en tous cas jugé que les services de contrôle de l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, la capitale, avaient parfaitement le droit de demander aux touristes d’accéder à leurs courriers électroniques. Il se prononçait sur le cas de trois Américains d’origine palestinienne qui, en juin dernier, à leur arrivée, s’étaient retrouvés sommés par les personnels de sécurité d’ouvrir leur boîte mail afin d’en vérifier les contenus.

En cas de "soupçons réels"

L’une des trois touristes s’était pliée à l’injonction, les agents de contrôle fouillant alors les messages se rapportant aux mots "Palestine", "Israel" ou "West Bank" (Cisjordanie), et notant même les noms et numéros de téléphone de certains contacts. Après plusieurs heures d’interrogatoire, puis une nuit en centre de détention, les arrivants avaient finalement été renvoyés aux Etats-Unis.

L’affaire avait déclenché le dépôt d’une pétition au ministère de la Justice par l’Association des droits civiques en Israël. Mais dans sa réponse, le procureur a estimé qu’il n’y avait là aucune dérive, précisant que cette procédure ne serait actionnée qu'en cas "de soupçons réels" et uniquement avec le consentement du touriste. "On ne demandera jamais à ce dernier de donner son mot de passe : c'est à lui d'ouvrir son compte", a-t-il ajouté.

"T'es un douanier, t'as pas de tampon ?"

Et en cas de refus ? Il est clair que cela pourra peser négativement dans la décision des autorités de laisser ou non entrer le touriste sur le territoire israélien, reconnaît le procureur. J'entends déjà notre Nabila nationale sortir de ses gonds : "Non mais allo, vous me recevez ? C'est comme si je te disais : "t'es un douanier, t'as pas de tampon". Allô quoi ?"

Cette position est justifiée, selon le procureur, par un "accroissement de la menace terroriste". Je n’aurai pas la prétention de juger si l’argument est recevable ou non. Bon nombre d’Israéliens, et pas seulement les plus conservateurs, rappellent que la dureté des contrôles aux frontières, de même que le mur de séparation entre Israël et la Palestine, ont permis depuis dix ans de limiter considérablement le risque d’attentat.

Droit à la sécurité ou hystérie sécuritaire ?

Mais vu avec l’œil du touriste, tout cela n’est pas loin de ressembler à de l’hystérie sécuritaire. Tous ceux qui ont passé les contrôles au départ de l’aéroport Ben Gourion savent de quoi je parle. La première série de questions des jeunes agentes de sécurité, dès le hall, avant même l’enregistrement. Puis le passage des bagages aux rayons X, à l’issue duquel on vous oriente soit vers le comptoir de votre compagnie, soit vers une "inspection".

Moi, j’ai eu droit à l’inspection. Nouvelle série de questions, toujours les mêmes. "Qui a fait vos bagages ?", "Où êtes-vous allé ?", "Avez-vous reçu des cadeaux ?". Puis l’ouverture de la valise, à la recherche d’explosifs.

Le même scénario se reproduit après l’enregistrement. Je savais que ce serait le moment critique : mon bagage cabine était rempli de documentation touristique palestinienne. Pour m’éviter l’interrogatoire poussé, j’avais toutefois renoncé au DVD remis par un représentant de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine, fondée par Yasser Arafat) que nous avions rencontré à Bethléem.

"One moment please"

La policière ouvre le sac, commence à faire défiler rapidement les documents, ça semble passer. Soudain elle s’arrête, lève la tête, me regarde, rabaisse l’œil vers le sac, la relève. "One moment please." Elle revient accompagnée d’un supérieur. Je me dis que ça commence à se compliquer. Lui reprend l’interrogatoire au tout début. Je la joue cash : "je suis journaliste, invité par l’hôtel Mövenpick de Ramallah". Apparemment suffisant. "Bon voyage."

Je ne sais pas si ces contrôles sont de nature à gâcher le séjour d’un touriste. Mais ils sont au minimum source de tensions, et peuvent même virer à l’épreuve en cas de suspicion. C’est déjà bien assez. Alors oui, je retournerai un jour en Terre Sainte. Mais non, le Shin Bet ne lira pas mes mails.

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