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Gérard Feldzer : L’éclaireur du ciel

Avec son allure de héros de bande dessinée, sorte de Gaston Lagaffe dont il partage le goût du bricolage farfelu, on pourrait le croire tout juste débarqué de la Lune. Si le voir apparaître sur nos écrans est généralement synonyme d'une catastrophe dans les airs ou sur Terre, Gérard Feldzer ne se dépare jamais de son optimiste et de sa curiosité. Au le

L'Écho touristique : On vous connaît surtout comme l'expert des transports auquel les médias généralistes font appel en cas d'incidents ou d'accidents, mais le tourisme et vous, c'est une longue histoire ?
Gérard Feldzer : Oui, j'ai d'ailleurs écrit dans les colonnes de L'Écho touristique à l'époque où je faisais du charter pour l'Uniclub, une filiale de l'Unef(Union nationale des étudiants de France) ! On lançait alors les premiers charters avec Jacques Maillot et Nouvelles Frontières, malgré la position de la DGAC (Direction générale de l'aviation civile, Ndlr) qui nous accusait de faire de la concurrence déloyale. J'étais allé voir Air France à l'époque pour leur proposer de récupérer et d'utiliser leurs Boeing 707 pour ces vols, ce à quoi on m'a répondu : « Mais Monsieur, Air France ne fera jamais de charter ! ». Nous leur demandions un avion par jour durant 40 jours afin de faire partir 400 000 étudiants, mais j'ai eu droit à un refus sans appel. Du coup, j'ai voulu médiatiser ça et j'ai écrit dans L'Écho touristique en disant : « Voilà comment on passe à côté de l'Histoire ! ».

Vous avez vécu la période du début du tourisme de masse, lançant même un village de vacances en Tunisie ?
Fin des années 60, on était sur la dynamique des vacances pour tous. Pour l'Uniclub, nous avons créé un village en Tunisie qui était un peu dans l'esprit UCPA. C'était une action à la fois sociale, sportive, au service de l'autre, en complément de notre offre de charters. À l'époque, j'étais chef de village, je faisais cela au début pendant mes études, puis à temps plein. C'était Les Bronzés, une époque de dingue, avec un esprit un peu militant ! Il y a eu également deux villages en Corse, puis l'activité a périclité dans les années 80…

Comment analysez-vous le développement du tourisme mondial ?
Aujourd'hui prendre l'avion coûte moins cher que prendre le TGV. On est à 3,5 milliards de passagers à présent, on va monter à 6 milliards en 2030… Il faut donc anticiper. Être prêt en accompagnement, en applications numériques, en qualité de services, etc., et se mettre en ordre de marche.%%HORSTEXTE:1%%

Mais ne faut-il pas s'inquiéter de ce doublement du trafic aérien ?
Deux fois plus d'avions dans le ciel, on peut les mettre, ce n'est pas vraiment le problème. C'est plutôt à l'arrivée que la question se pose. Il faut construire de nouvelles pistes, les doubler, voire les quadrupler, et gérer également les aérogares. Comment se déplaceront les gens en 2050 ? C'est précisément la question que je pose lorsque je réunis tous les deux mois sur cette péniche des directeurs de recherches avec lesquels on fait de la prospective sur les transports. Je reçois les directeurs de recherches de Renault, de la SNCF, de Safran, d'Airbus, etc., et on réfléchit à demain. Est-ce que l'on va construire des aéroports-villes ? Est-ce que les gens ne vont pas s'enregistrer à Paris et arriver directement à l'avion par un train qui les déposera sur les pistes ? Peut-être que la notion du hub, de la ville dans l'aéroport sera dépassée. C'est une question que l'on doit se poser, car nous sommes dans une course en avant. Nous allons arriver à un facteur asymptotique de croissance et de richesse dans l'aérien, comme dans l'économie en général.

Quel serait le principal défi de l'industrie aéronautique civile de demain ? La vitesse ? La capacité des avions ? Les énergies renouvelables ?
Faire des avions de 1 000 places n'est pas du tout aberrant. Il faut que ce soit l'équivalent des TGV. On est déjà à 800 passagers avec l'A380. 800 places, c'est moins de 2 litres au 100, alors que sur un avion traditionnel, on est sur du 3,5 ou 4 litres. L'intensification des avions, tout en gardant un certain confort, peut s'envisager facilement. Il y a quelque chose que l'on peut offrir dans l'avion, et qui devient un vrai luxe, c'est la détente. Pouvoir être connecté dans l'avion n'est pas une bonne nouvelle, selon moi. La fluidité peut également être optimisée. Je pense que l'aviation en 2050 ne sera pas du tout la même qu'aujourd'hui. C'est difficile d'imaginer laquelle. Il y a l'avion hypersonique qui passionne les gens, et il y aura un jour ou l'autre un super Concorde car on n'arrêtera pas l'histoire.

Et cela malgré l'échec commercial du Concorde ?
Tout d'abord, il n'y en a eu que quatorze exemplaires commerciaux construits. D'autre part, c'était un avion extrêmement bruyant et excessivement polluant. Aujourd'hui, avec les propulsions à l'hydrogène et un incurseur dans l'espace, comme ce qui est utilisé dans le tourisme spatial, ce n'est peut-être pas complètement idiot. On pourrait rejoindre Tokyo en moins de deux heures par exemple.

Croyez-vous en tous ces projets d'avions et de fusées sur lesquels planchent de riches industriels, à la manière d'un Elon Musk ?
L'avion hypersonique est moins compliqué que ce que projette Elon Musk avec son Hyperloop entre San Francisco et Los Angeles. Il y a longtemps, on avait imaginé en France faire un tube sous dépression uniquement sustenté électro-magnétiquement, donc sans frottement, et de faire des déplacements à 2 000 km/h. Là, on aurait pu faire un Paris-Marseille en l'espace de 20 minutes dans cette sorte de métro supersonique. Ça, ça va arriver. C'est comme le projet d'Elon Musk qui reliera les deux villes californiennes à 550 km/h. Les Chinois ont aussi des projets incroyables, outre leur propre TGV. Maintenant, c'est nous qui allons copier les Chinois. Ils ont des universités entières consacrées aux transports ! Par exemple, sur un tracé Pékin-Shanghai, ils envisagent un train qui ne s'arrête jamais avec un système de rail équipé d'une petite navette sur le toit qui largue les passagers qui souhaitent descendre via un aiguillage et en récupère de nouveaux grâce à une autre navette. Peut-être que le moyen-courrier pourra être remplacé par ce type d'innovations…

Que vous inspire la situation actuelle d'Air France ?
British Airways et Lufthansa ont passé tous leurs moyen-courriers déficitaires aux compagnies low cost. Air France est coincée entre le low cost moyen-courrier d'easyJet et de Ryanair qui font des bénéfices et de l'autre côté le long-courrier des compagnies asiatiques et moyen-orientales qui achètent leur carburant moins cher et paient moins de taxes. Quel que soit le président d'Air France, sa tâche n'est vraiment pas évidente. On peut se récupérer sur la qualité de services, mais on ne fera jamais plus qu'Emirates ! L'équilibre actuel d'Air France est fragile. Une compagnie aérienne c'est 1% de rendement seulement… Il ne faut pas non plus rater les alliances.

En tant qu'ancien pilote de ligne d'Air France, comment percevez-vous les problématiques sécuritaires et la crainte des actions terroristes ?
Il y a la sécurité et la sûreté. Pour la sécurité, on a fait l'accidentologie des transports et ça s'améliore malgré tout. Quand on sait qu'il y a 1,2 million de morts sur les routes chaque année dans le monde, c'est comme si une ville comme Marseille disparaissait tous les ans. C'est une arme de destruction massive et il va falloir réagir. Sur les transports collectifs, on a fait des progrès et nous apprenons de chaque accident. La sûreté, c'est autre chose. On dépend tellement des relations internationales, d'une radicalisation qui émerge, que les professionnels du tourisme subissent plutôt qu'ils ne puissent agir. Nous sommes contraints de renforcer les mesures de sécurité et les passagers ne remettent pas en cause le fait de payer une taxe aéroport notamment pour cela.

À quand remonte votre engagement écologique ?
Il date de plus de vingt ans et de mon amitié avec Nicolas Hulot. Nous avons besoin d'un changement d'attitude. Il y a une prise de conscience collective sur la consommation, sur les emballages, le tri des déchets… On ne peut pas continuer à avoir 150 kg de déchets par personne et par an. Et il faut créer des emplois verts ! Si on avait l'idée d'aménager tous les toits d'immeubles de la région parisienne, ça pourrait dégager 500 000 emplois. Je me suis engagé avec Nicolas Hulot, je me suis fait élire conseiller général pour cela, puis j'ai quitté la politique car j'en avais fait le tour. J'ai voulu comprendre comment ça fonctionnait et aujourd'hui, j'ai repris ma liberté.

On dit de vous que vous êtes aussi un inventeur prolixe, une sorte de Géo Trouvetou… Quelle

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