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Au Cameroun, un réceptif de Nouvelles Frontières exploite les Pygmées

La rencontre avec des indigènes vivant à moitié nus dans la forêt était un montage organisé par le réceptif Cameroun Aventure, qui a réussi à duper le voyagiste et ses clients.

Nouvelles Frontières a suspendu cet été la vente de l’un de ses circuits au Cameroun, baptisé "Rendez-vous en terre pygmée". Et pour cause : la rencontre promise avec des Pygmées qui vivent sous des huttes en bois, à moitié nus, de la chasse, la pêche ou la cueillette, était en fait un montage organisé par le réceptif du voyagiste, Cameroun Aventure.

En réalité, les Pygmées, dans cette zone, vivent dans des maisons en terre depuis 30 ans, parlent français, sont habillés. Et leurs enfants vont à l’école.

Un montage du réceptif Cameroun Aventure

C’est Laurent Gauché, fondateur de l’association Aidons les à se passer de notre aide (Alpna), qui a alerté le voyagiste de la situation. "Depuis 2011, j’ai fait plusieurs voyages au Cameroun avec Nouvelles Frontières, puis en direct avec le réceptif Cameroun Aventure, explique-t-il. Je n’y ai vu que du feu jusqu’à l’an dernier. Là, j’ai compris que tout était un montage. Nouvelles Frontières a dû se faire avoir aussi, mais ils auraient dû être plus vigilants".

"On s’est fait flouer, confirme Jean-Baptiste Delsuc, directeur du tour-opérateur spécialiste de TUI France. Nous voulons cesser toute collaboration avec Cameroun Aventure, qui n’a pas respecté ses engagements. Ces pratiques sont totalement contraires à notre charte éthique et morale. Mais l’objectif n’est pas de pénaliser le Cameroun et ses communautés. Nous souhaitons reprendre ces voyages dans d’autres conditions".

Intimidation et alcool

De fait, pour Laurent Gauché, les pratiques de Cameroun Aventure s’assimilent à de l’exploitation. D’après lui, Cameroun Aventure usait d’intimidation, introduisait de l’alcool pour convaincre les récalcitrants et ne donnait souvent que la moitié ou le tiers de la somme d’argent promise pour toute la communauté, soit 150 euros. Des faits confirmés lors d'interviews vidéos, mais que réfute Cameroun Aventure, qui n'a pas répondu aux demandes de l'Echo touristique.

"C’est vraiment de l’exploitation, ajoute-t-il. Bertrand Owono (ndlr : le directeur de l'agence) demande à tout le monde, même les femmes et les enfants, de se mettre à moitié nus dans la forêt. Ils devaient dormir, dans le froid, dans les huttes en bois. Ils n’ont rien dit au début car ils avaient peur". L’obligation de préserver l’image "authentique" des Pygmées aurait même contribué à des accidents graves.

"Nous avons envoyé un expert sur place cet été, pendant 15 jours, un anthropologue. Il a conclu qu’il n’y avait pas eu de maltraitance envers les populations pygmées", répond TUI France.

Apporter de nouvelles ressources aux communautés

Le voyagiste précise également que ces dérives sont contraires à l’esprit des circuits Nouvelles Frontières. "On a lancé ce voyage au Cameroun il y a cinq ans, dans l’objectif de faire découvrir la vie des Pygmées à nos clients, explique Jean-Baptiste Delsuc. Nous regardons, pour chaque circuit, dans quelle mesure il y a des retombées positives pour les populations. On pensait pouvoir apporter des nouvelles ressources et lutter contre un certain stéréotype dans la région, qui consiste à dire que les Pygmées vivant encore dans la forêt sont inférieurs".

Une situation connue de Surival, une ONG spécialisée dans la défense des peuples indigènes. "Ces communautés qui ont perdu leur mode de vie traditionnel, leurs terres se retrouvent en bas de l’échelle sociale, et ils sont victimes d’une discrimination généralisée affectant tous les aspects de leur vie", précise Survival sur son site Internet.

Mais ce cas particulier montre que l’activité des voyagistes  peut parfois nuire aux populations locales. D’où l’importance d’avoir une démarche de responsabilité sociale et environnementale. Jean-Baptiste Delsuc assure que dans tous les autres circuits du groupe, ce sont les "villageois eux-mêmes qui organisent l’accueil des clients".

Un garde-fou qui n’est parfois pas respecté. Certains voyagistes ou réceptifs organisent ainsi des "safaris humains" au Pérou, au Brésil, dans les îles Andaman (Inde) ou en Thaïlande.

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